Syndicat de la magistrature

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  • [Analyse du PJL confiance] Episode n°3 : Justice civile : l'intérêt du justiciable encore oublié

    Sur les 33 articles qui composent le projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, 14 sont en lien avec la matière pénale et 12 concernent les professions du droit – on retrouve là les priorités, voire les seuls sujets du garde des Sceaux. Il ne s’agit évidemment pas d’un projet de loi consacré principalement à la matière civile – d’ailleurs, le terme civil n’est présent qu’à 6 reprises, dont 2 en lien direct avec la matière pénale (civilement responsable). Autant dire que la matière civile n’a pas eu la faveur du politique, qui préfère comme souvent le pénal. Faut-il le regretter pour autant ? Les dernières réformes successives intervenues en la matière ont tant rimé avec une dégradation du processus juridictionnel pour adapter le fonctionnement de la justice civile à la pénurie, que nous pouvons craindre que toute nouvelle disposition aggrave cette tendance. 

    Il ne convient pas pour autant de se réjouir. L'intitulé du projet de loi ne concerne pas uniquement la matière pénale mais l’ensemble de la justice, et le texte comporte quelques dispositions concernant la procédure civile. De quoi semer les jalons d’un processus législatif ouvert aux amendements du gouvernement et du parlement en matière civile en évitant la censure du Conseil constitutionnel, devenu particulièrement exigeant lors de son contrôle des cavaliers législatifs ?

    Dans sa forme initiale, le projet de loi contient deux dispositions qui méritent plus particulièrement notre attention : l’une concernant le report de la date d’entrée en vigueur de la JUNIP, dont la suppression était pourtant annoncée ; l’autre concernant la création d’une nouvelle catégorie de titre exécutoire : les transactions et les actes constatant un accord issu d’une médiation, d’une conciliation ou d’une procédure participative, lorsqu’ils sont contresignés par les avocats de chacune des parties et revêtus de la formule exécutoire par le greffe de la juridiction compétente. Ces deux dispositions révèlent tant les malfaçons de la loi qu’une certaine tendance actuellement à l’œuvre qui tend à faire prévaloir sur l’intérêt général et sur l’intérêt du justiciable des considérations économiques et les avantages de certains groupes professionnels en particulier. Vous trouverez nos observations sur ces deux sujets en pièce jointe.

    PJL défiance : analyse civil () Voir la fiche du document

    Les observations ont été mises à jour le 23 avril, à la suite de la présentation du projet de loi en Conseil des ministres, et au vu de l'avis du Conseil d'Etat et de l'étude d'impact. 

    Observations procédure civile mises à jour () Voir la fiche du document

  • Notre réponse à la proposition d'audition de l'atelier "Justice de protection"

     

    Nous reproduisons ici notre réponse à la proposition de contribution de l'atelier thématique justice de protection, dont la lettre de mission figure en pièce jointe. 

     

    Nous estimons que la construction de ces états généraux - qui a eu lieu dans le plus grand secret - a été pensée dans le dessein de promouvoir les projets de la majorité en place et du ministre de la justice en leur donnant faussement l'apparence d'orientations demandées par les citoyens après une consultation associant les professionnels. Nous avons analysé avec précision cette construction - programmatique - dans plusieurs communications que vous retrouverez sur ces liens (premier communiqué de presse sur le lancement, compte-rendu après présentation aux organisations syndicales, observations sur les questionnaires en ligne, CP sur le questionnaire de l'atelier procédure pénale)

    Dans ces conditions, nous avons demandé audience auprès du comité indépendant, qui sera le réceptacle des contributions (précédemment orientées par la chancellerie, puis, pour les contributions individuelles, filtrées et résumées par un prestataire privé, et pour les contributions thématiques fusionnées selon des modalités inconnues dans les "ateliers de convergence" avec des citoyens triés sur le volet) et l'instance d'élaboration des propositions finales, afin de développer ces critiques sur la méthodologie et de faire part de nos fondamentaux sur le fond. 

    Pour ce qui concerne l'atelier dont vous avez la charge, trois thématiques sont dégagées dans la lettre de mission :
    - la place de la mission justice (entendue comme recouvrant à la fois l'autorité judiciaire et la protection judiciaire de la jeunesse) dans le pilotage de la protection de l'enfance ;
    - les mesures de protection des majeurs comme les tutelles des mineurs et l'opportunité de poursuivre le processus de déjudiciarisation engagé depuis plusieurs années, outre l'évaluation des moyens de nature à renforcer l'efficacité de cette justice de protection ;
    - les "pistes d'amélioration et d'accompagnement des publics confrontés aux situations de harcèlement, de violences ou encore de discriminations".

    S'agissant de la première thématique, nous ne pouvons que nous étonner qu'il ait fallu attendre la mise en oeuvre des états généraux de la justice pour considérer que la place de l'autorité judiciaire et de la protection judiciaire de la jeunesse dans le pilotage de la protection de l'enfance était une thématique digne d'intérêt. Cette temporalité interroge d'autant plus que vous n'ignorez pas qu'une loi relative à la protection des enfants, dont une partie est consacrée à la gouvernance de la protection de l'enfance, est actuellement en cours d'examen par le Parlement et a été adoptée par le Sénat le 15 décembre dernier. Cette loi ne renforce d'ailleurs nullement la place de l'autorité judiciaire, ni celle de la protection judiciaire de la jeunesse, laissant béante la question de l'inexécution ou de la mauvaise exécution des décisions judiciaires en matière d'assistance éducative. Vous pourrez retrouver nos observations au sujet de cette loi sur notre site au lien suivant. Nous ne pouvons donc que craindre que la volonté sous-jacente du gouvernement derrière l'ajout de cette thématique aux états généraux de la justice soit, dans une logique purement gestionnaire, de réduire encore la place de l'autorité judiciaire en la matière.

    La seconde thématique peut aussi paraître surprenante tant la question de la déjudiciarisation n'est pas d'actualité concernant les mesures de protection. En effet, une certaine déjudiciarisation a déjà eu lieu, la loi de 2007 rappelant l'impératif de protection et les mesures administratives qui peuvent être mises en place, et s'est poursuivie avec la création de l'habilitation familiale en 2015. Les derniers rapports rendus sur le sujet de la protection judiciaire des majeurs n'évoquent pas ce besoin, qui pourrait utilement être évalué par ailleurs, mais la nécessité d'une vraie politique publique de protection des majeurs. Cette proposition semble donc rejoindre la volonté plus générale du gouvernement de répondre aux demandes d'évaluation de la charge de travail par la "simplification" et une diminution du domaine d'intervention judiciaire sans considération pour l'intérêt du justiciable, aussi vulnérable soit-il. (Nous avons transmis dans un second mail à l'atelier nos observations dans le cadre de la mission d'information sur les droits fondamentaux des majeurs protégés)

    Concernant enfin la dernière thématique qu'il vous est demandée d'examiner, l'on ne peut que s'étonner tout d'abord du caractère extrêmement vaste et flou de ses contours, sans qu'il soit possible de déterminer s'il s'agit d'améliorer la prévention et la lutte contre le harcèlement, les violences ou les discriminations, ou simplement d'améliorer l'accompagnement des victimes de ces agissements. En tout état de cause, cette thématique nécessite des réflexions d'ampleur, qui dépassent par ailleurs le seul cadre de la justice judiciaire.

    Quels que soient le positionnement des membres de votre atelier sur le fond et leur volonté de mener un travail indépendant, il nous apparait ainsi clairement que votre contribution sera noyée et digérée, et qu'il n'en sera gardé que ce qui va dans le sens voulu par le pouvoir en place. D’ailleurs, il ne vous est pas laissé le temps de livrer une véritable élaboration - comment écrire sur des sujets aussi vastes alors qu’il vous est demandé de mener six réunions en un mois et demi, que vous consacrerez également à mener quelques auditions succinctes? Nous savons que certains membres des ateliers n’ont pu participer aux premières réunions, puisque celles-ci ont été de fait programmées de manière précipitée en raison du calendrier imposé par la chancellerie. Nous ne pouvions ainsi laisser penser à travers une audition par les membres de vos ateliers que nous admettions la manière dont ces travaux sont organisés. Notre seul recours dans ce contexte est le comité indépendant. 

    Nous vous remercions par avance de bien vouloir diffuser notre réponse aux membres de l'atelier que vous animez.

     

    Lettre de mission atelier justice de protection () Voir la fiche du document