Monsieur le premier président,



Alors que le 44ème congrès du Syndicat de la magistrature se tenait dans la salle des criées en fin de semaine dernière, vous aviez "l'honneur" (sic) - et le courage - de nous faire connaître par courrier daté du vendredi 26 novembre que les affiches de notre congrès avaient été retirées des murs du palais de justice de Paris.



Inutile de vous préciser que ces actes d'entrave syndicale ne nous avaient pas échappé puisque étant sur place, nous avions pu constater dès la mi-journée que les affiches apposées le matin même avaient disparu.



Les démarches du bureau du Syndicat de la magistrature, vendredi en début d'après-midi, auprès de votre secrétariat en vue d'obtenir des explications sont restées vaines.



La brutalité de vos méthodes contrevient à un "acquis" syndical qui n'avait jamais été remis en cause jusqu'à présent. En effet, le Syndicat de la magistrature - comme d'autres syndicats du monde judiciaire - organise régulièrement, et ce depuis des décennies, son congrès au sein de la juridiction parisienne et a toujours collé des affiches dans les couloirs sans que cela pose jamais problème.



Certes, vendredi dernier à l'occasion de la rentrée solennelle du barreau de Paris, le garde des Sceaux, récemment nommé, était votre hôte, et vous avez dû penser que le dessin de notre affiche évoquant les affres de l'affaire Woerth-Bettencourt, ne serait pas de son goût.



Mais il y a pire que ce réflexe pavlovien, symptôme trop évident de la peur de déplaire : c'est la conception même de la justice et du syndicalisme dont vous vous revendiquez dans votre courrier que nous récusons avec force.





Vous écrivez ainsi que "le fait syndical et la liberté d'expression qui s'y attache doivent se concilier avec les principes fondamentaux d'impartialité et de neutralité de la Justice".



Sachez tout d'abord que le syndicalisme n'est pas seulement "un fait", mais un droit, garanti constitutionnellement.



Quant à l'impartialité et à la neutralité de la justice, il s'agit là de principes qui s’appliquent l’un dans les fonctions juridictionnelles des magistrats et l’autre, au service public. Il est donc pour le moins tendancieux d’en exiger le respect dans le cadre de l’action syndicale...



Par ailleurs l’invocation de ces principes fondamentaux dissimule mal la nature profondément idéologique de votre décision de faire arracher nos affiches.



Manifestement, vos exigences sont moins fermes concernant les affiches de campagne électorale du bâtonnat qui ornent les murs ou lorsqu'il s'agit d'organiser, dans le palais de justice, le cocktail de la Caisse des dépôts et consignations qui était en préparation dimanche dernier...



Compte tenu des enjeux de principe abordés dans le présent courrier, nous avons décidé de le rendre public.



Nous vous prions de croire, Monsieur le premier président, en l'assurance de la considération dans laquelle nous tenons vos fonctions.





Pour le Syndicat de la magistrature,


Clarisse Taron, présidente