Communiqué de presse du Syndicat de la magistrature à la suite de la décision rendue par la CEDH le 22 juin 2017 condamnant la France pour le régime du FNAEG

Depuis son instauration en 1998, le fichier national des empreintes génétiques (FNAEG) a connu une folle inflation, passant de 2 000 traces enregistrées au début des années 2000 à près de 3,5 millions aujourd’hui. Ce fichage extensif est le produit d’une succession de modifications législatives, qui ont étendu la liste des infractions le justifiant (à l’exclusion, toujours, des infractions financières), inclus les personnes seulement suspectées d’une infraction (plus de trois quarts des prélèvements) et confié aux seuls officiers de police judiciaire la décision de fichage. Ceux-ci ont été destinataires de directives de prélèvement systématique, et les autorités judiciaires de circulaires invitant au même systématisme dans les poursuites pour refus de prélèvement, injonctions jamais contredites malgré l’alternance.
Seule l’action militante a permis de rendre visible l’universalisation rampante de ce fichage et de porter la contestation devant les plus hautes juridictions. Le succès est au bout du procès : la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) vient, ce 22 juin, de condamner la France, dans une décision cinglante.
Entre l’entêtement à ne pas vouloir tirer les conséquences de précédentes condamnations (relatives au fichier des empreintes digitales et au fichier de police STIC en 2013 et 2014) et sa défense empreinte de mauvaise foi, le gouvernement français n’aura pas brillé par son attachement au respect des droits.
Dans son arrêt, la Cour lui fait la leçon. Le fichage constitue une ingérence, que les informations soient utilisées ou non par la suite. Elle balaye ainsi la défense classique faisant du fichage un procédé indolore aux personnes n’ayant rien à se reprocher : parce qu’il pré-constitue les personnes fichées au FNAEG en suspects potentiels de toutes les enquêtes menées chaque année, il porte, par essence, atteinte à leurs droits.
Si le principe du fichage génétique n’est pas mis en cause, la Cour condamne « la logique excessive de maximalisation des informations qui y sont placées et de la durée de leur conservation ». L’objectif de résolution des enquêtes doit être mis en balance avec la protection des données à caractère personnel - tout particulièrement les données génétiques à raison de leur caractère très sensible -, qui « joue un rôle fondamental dans l’exercice du droit au respect de la vie privée ».
L’arrêt est sans appel : en refusant de tirer les conséquences d’une décision du Conseil constitutionnel du 16 septembre 2010, de proportionner la durée de conservation des empreintes à la gravité des faits et d’ouvrir une voie d’effacement effective, la France a violé le droit de la convention. Partant, la condamnation pour refus de prélèvement d’une personne préalablement condamnée pour des violences sur personne dépositaire de l’autorité publique constitue, pour la Cour, « une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et ne peut passer pour nécessaire dans une société démocratique ».
Cette décision était attendue, tant les gouvernements successifs et les juridictions nationales ont refusé d’appliquer, en la matière, les principes de proportionnalité, non excessivité et non stigmatisation. Le Syndicat de la magistrature, qui a témoigné dans plusieurs procès de militants, poursuivis pour refus de prélèvement, s’en félicite !
Les pratiques doivent changer et l’urgence est à la réforme profonde du fichage génétique : restriction aux seules personnes condamnées, limitation des infractions visées, rétablissement d’une autorisation judiciaire préalable, réduction de la durée de conservation et ouverture de possibilité d’effacement effectives. Afin d’effacer l’empreinte indélébile que ce fichage massif laisse sur nos droits.