Le 13 octobre 2009, inquiet des menaces sans précédent qui planaient sur la justice et conscient que toute riposte ne pouvait être crédible que dans l'unité, le Syndicat de la magistrature a décidé de s'adresser à l'ensemble des organisations de magistrats afin de leur proposer une rencontre et la définition d'actions communes. Chers collègues,

Depuis quelques années, la justice subit des attaques sans précédent visant à remettre en cause son indépendance.

Parmi les assauts les plus emblématiques figure évidemment la volonté de supprimer le juge d’instruction sans placer l’autorité d’enquête à l’abri des pressions.

Cette défiance vis-à-vis de la justice atteint l’ensemble de notre profession et remet en cause les valeurs qui ont motivé notre engagement professionnel, au-delà de nos convictions personnelles et de nos divergences. C’est l’exercice même de notre métier qui est aujourd’hui menacé.

Pas une fonction judiciaire n’est en effet épargnée par cette volonté de mise au pas de l’institution judiciaire :

- dès qu’un fait divers dramatique survient, les juges de l’application des peines sont violemment pointés du doigt et une législation supplémentaire est immédiatement annoncée ;

- les juges des enfants sont l’objet d’une suspicion permanente et le socle de leur double compétence (enfance en danger et prise en charge de la délinquance des mineurs) connaît une dangereuse érosion ;

- à l’instance, la situation est également préoccupante : non seulement les pouvoirs publics ont procédé à un saccage en règle de cette justice proche des citoyens, dans le cadre d’une nouvelle carte judiciaire coûteuse et incohérente, mais encore les juges des tutelles sont aujourd’hui asphyxiés par une révision des mesures de protection imposée dans des conditions absurdes ;

- au parquet, le poids écrasant de la hiérarchie entraîne un rétrécissement insupportable du pouvoir d’appréciation et d’individualisation des magistrats.

L’ensemble de ces initiatives régressives, que l’on voudrait faire passer pour des « réformes », prises dans l’urgence et sans concertation, ont, vous le savez bien, des conséquences catastrophiques pour l’image de la justice et pour le justiciable.

Face à l’intensité de ces attaques, et à leurs conséquences dramatiques pour l’équilibre démocratique, le Syndicat de la magistrature a acquis la conviction profonde qu’il n’est plus envisageable de porter la contradiction et de constituer une force de proposition dans la solitude de nos organisations respectives.

Seule une mobilisation cohérente, unitaire et durable, fondée sur la défense de nos valeurs communes, que sont l’indépendance, l’impartialité et l’exigence d’une justice de qualité, permettra de résister aux agressions récurrentes d’un pouvoir exécutif tout puissant.

En tant qu’organisations de magistrats, il nous appartient d’initier cette mobilisation pour que chacun en juridiction puisse participer à un mouvement qui serait sans précédent.

C’est pourquoi nous vous proposons de tous nous rencontrer dès le mois de novembre afin d’élaborer, dans le respect de nos diverses identités, une stratégie commune de réflexion et d’action.

Cette rencontre pourrait constituer une première étape avant d’entamer ensemble des échanges approfondis avec tous ceux qui, ont sein du monde judiciaire, se mobilisent pour la défense de l’indépendance de la justice (syndicats de fonctionnaires, organisations représentatives des avocats, Etats généraux de la justice pénale…).



Le bureau national du Syndicat de la magistrature