Observations devant la commission des lois sur l’examen du budget du programme justice judiciaire pour 2018.

Comme tous les ans, la présentation aux organisations syndicales puis à la presse du budget 2018 par la ministre a été l'occasion d'une séquence d'autosatisfaction. Foin de la « clochardisation » évoquée par Jean- Jacques Urvoas, le propos est même récusé. Mais des annonces floues bien difficiles à analyser et une fois de plus, la volonté de convaincre que tout va bien. La réalité est tout autre.

Certes, le budget augmente de 3,8% l'année prochaine pour traduire un « effort significatif » du gouvernement en faveur des « fonctions régaliennes et de protection » soit un montant total de 6979,7 millions d'euros (M€) et une augmentation de 128,3 M€ sans compter le transfert à la sécurité sociale des crédits correspondant aux dépenses de santé des détenus. L'augmentation totale serait de 262,3 M€. Faut-il crier au miracle devant ce réel ralentissement de la progression du budget qui était de 9% l'an passé (soit un effort de 520 M€) ?

La justice est présentée comme une des gagnantes des arbitrages budgétaires avec l'éducation, la défense et l'écologie. Le budget devrait connaître une hausse de 4,2% en 2019 puis de 5% en 2020. Mais d'ici là, sans doute subira-t-elle des coups de rabot comme cela a été le cas en 2017 où 160 M€ ont été gelés et ont impacté essentiellement des projets immobiliers reportés sur l'année prochaine.

En terme d’effectifs, la garde des Sceaux promet ainsi un solde positif de 1000 postes quand il s'agissait d'en créer 2100 l'an passé. Les fonctionnaires et les magistrats qui subissent en juridiction une pénurie dont on ne se souvient même plus quand elle a atteint ces sommets apprécieront : ce sont 148 emplois qui devraient venir renforcer les services judiciaires pour 600 l'an passé et aucun poste de fonctionnaire, l'effort se concentrant sur les contractuels et les magistrats.

Le projet de budget rappelle les grands chantiers qu'elle veut mener à bien en trois mois et qui se traduiront dans la loi de programmation 2018- 2022 qui sera présentée au Parlement en début d'année prochaine : la numérisation, la réformes des procédures civile et pénale, l'exécution et l'application des peines et une « réflexion sur l'organisation structurelle des réseaux judiciaires », en un mot une nouvelle réforme de la carte.

Par ailleurs, la question de l'autonomie budgétaire de l'institution judiciaire continue à se poser. L'augmentation de ses moyens, certes indispensable, n'est pas suffisante : la justice doit aussi bénéficier de garanties étendues pour assurer son indépendance. La justice administrative, elle, profite d'une indépendance budgétaire marquée par la négociation directe de son budget par le vice-président du Conseil d'Etat auprès du ministre des finances. Le pouvoir politique ne devrait pas pouvoir asphyxier la justice par le biais de son budget. Les représentants du ministère pèsent d'un poids trop faible sur la négociation du budget de l’Etat et, au sein du ministère de la justice, celui des juridictions n'est pas suffisamment pris en compte. La solution serait pour le Syndicat de la magistrature dans un accroissement des prérogatives d'un Conseil supérieur de la magistrature rénové dans sa composition. (...)
L'intégralité de nos observations est à télécharger en pièce jointe.

Mission justice 2018 : coup de frein sur les efforts budgétaires (178 KB) Voir la fiche du document