Contre les box sécurisés, le communiqué de presse de la section locale du SM du TGI de Créteil

Voilà maintenant plus de cinq mois que les salles d'audience pénale du palais de justice de Créteil sont dotées de « box sécurisés » : des boîtes en verre encadrées de métal, sans portes vers la salle, avec un plafond grillagé et deux ouvertures horizontales de quinze centimètres dans les vitres en façade, aucune n'arrivant au niveau du visage de la quasi-totalité des prévenus.
Ces box, rappelons-le, n'ont été réclamés ni par les magistrats ni par les greffiers, de Créteil ou d'ailleurs, et aucune étude statistique n'a mis en évidence une quelconque augmentation des incidents survenus à l'audience du fait des prévenus détenus ou retenus sous escorte.
En réalité, l'architecture de ces nouveaux box a été théorisée dans les bureaux de la sous-direction des finances, de l'immobilier et de la performance de la Direction des services judiciaires en 2015 (bien avant, donc, l'évasion qui a marqué les esprits cristoliens en décembre 2016), quand la Chancellerie ne jurait que par la « Justice du 21ème siècle » – dont chacun a pu constater la réalité depuis. La DSJ a édicté à cette occasion des consignes très précises, qui figurent aux pages 59 à 62 de son Guide Pratique Sûreté version 2015 (voir ci-joint). La généralisation des « box sécurisés » a ensuite été décidée par arrêté ministériel du 18 août 2016.
Ni les magistrats ni les greffiers ni les avocats n'ont bien sûr été associés à la conception de ces box. Au TGI de Créteil, ils n'ont pas davantage été consultés lorsqu'il s'est agi de les installer. La Chancellerie a décidé, la hiérarchie s'est exécutée, les professionnels directement concernés ont une nouvelle fois été ignorés. Résultat : symbolique déplorable (et les symboles comptent dans un espace aussi symbolique qu'une salle d'audience), absence de sonorisation et acoustique lamentable, prévenus contraints de se tordre en deux pour parler, entendre, voir et être vus (non seulement pour interagir avec le tribunal et le ministère public, mais aussi pour communiquer avec leurs avocats et les interprètes), buée se formant parfois sur la vitre, armature métallique gênant la visibilité en cas de pluralité de prévenus, difficultés pour communiquer avec l'escorte, impossibilité de faire sortir un prévenu du box vers la salle (ou d'y faire entrer des secours si nécessaire).
Bref, ces box n'ont pas été conçus en pensant à ce qu'est une audience pénale. Un seul paramètre a été pris en compte, et encore selon une conception on ne peut plus étroite : la sécurité. Nul n'a songé qu'une audience pénale, c'est aussi et avant tout une affaire de débat contradictoire et de respect des personnes.
Il aura fallu que des magistrats prennent l'initiative, en application de leurs prérogatives tirées de l'article 401 du Code de procédure pénale, de faire comparaître les prévenus à la barre – non bien sûr sans complications pour les escortes ni conséquences sur le fonctionnement des autres services et la durée des audiences – pour que, plus de quatre mois plus tard, des micros soient enfin installés (dans le box, à la barre et devant le président).
Le progrès, disons-le, est incontestable. Cependant, outre que le président du TGI n'a pas jugé nécessaire d'en informer les magistrats concernés en temps utile, ni d'ailleurs de les consulter lorsque la DSJ a entrepris un recensement systématique des difficultés posées par les box, il a cru bon d'adresser le 30 janvier à certains d'entre eux un mail comminatoire qui s'achevait par ces mots : « Compte tenu de ces nouveaux éléments qui répondent à nos attentes [les micros], je considère que les audiences de CI [pas les autres ?] doivent désormais se tenir avec les prévenus dans les boxes ».
Ces méthodes, disons-le aussi, ne sont pas acceptables. Il n'appartient pas au président du TGI de dicter aux présidents des audiences correctionnelles, quelles qu'elles soient, la conduite à tenir en matière de police de l'audience et de direction des débats. Il lui appartient, en revanche, de les associer à la résolution de l'ensemble des problèmes constatés, étant entendu que « nos attentes » ne coïncident pas nécessairement avec les siennes.
De fait, si ses démarches pour sonoriser les salles d'audience avec les moyens du bord doivent être saluées et ont justifié une suspension des comparutions à la barre pour éprouver les améliorations apportées, elles ne règlent pas tout, loin s'en faut. Les avocats et les interprètes rencontrent toujours les mêmes difficultés pour communiquer avec les prévenus et la coupure visuelle entre le prévenu et ses juges, induite par la vitre en façade et l'armature métallique, subsiste. Et bien sûr, il n'est toujours pas prévu de porte entre le box et la salle d'audience, au mépris de la sécurité physique des personnes qui se trouvent dans le box (prévenus et fonctionnaires de police), en cas d'incendie ou de malaise par exemple. La sonorisation « provisoire » entreprise est du reste elle-même incomplète : un seul micro ne suffit pas lorsque plusieurs prévenus comparaissent dans le box.
Or, qui rend la justice au juste ? Qui interagit avec les prévenus ? Qui est confronté chaque jour aux enjeux humains de l'audience ? Qui décide du sort de ces personnes déférées ou détenues ? La DSJ, les chefs de juridiction ?
Dans ces conditions et dans l'attente des nouvelles modifications qui s'imposent pour remédier à l'ensemble des problèmes posés par les nouveaux box « sécurisés », la section du Val-de- Marne du Syndicat de la magistrature appelle les magistrats siégeant aux audiences pénales à refuser d'utiliser ces box qu'ils n'ont pas souhaités et à faire comparaître à la barre les prévenus détenus ou retenus sous escorte, sauf circonstances particulières. Elle demande par ailleurs à être reçue dans les plus brefs délais par le président du TGI pour évoquer les améliorations encore nécessaires.