Les réquisitions prises le 20 septembre 2011 dans l'affaire dite "des emplois fictifs de la mairie de Paris" ont été l'occasion d'un spectacle affligeant. Le Syndicat de la magistrature ne saurait cautionner un tel dévoiement de la justice. Pour tout citoyen épris de justice, le spectacle offert hier, devant la 11ème chambre du tribunal correctionnel de Paris, par les deux représentants du ministère public qui ont requis, avec une touchante application, la relaxe générale dans l’affaire dite « des chargés de mission de la ville de Paris », est affligeant.



Bien sûr, la gestion de ce dossier par le parquet révèle d’abord l’immense faiblesse de son statut. Le Syndicat de la magistrature l’a maintes fois dénoncé : tel qu’il est aujourd’hui conçu, le ministère public est tout entier dans la main du pouvoir exécutif, et ce vice originel se manifeste avant tout dans les affaires dites « sensibles ». La réforme de ce statut est devenue un enjeu démocratique de premier ordre, enjeu que le pouvoir actuel, empêtré dans les affaires, feint opportunément d’ignorer.



Cette gestion calamiteuse traduit aussi la perte coupable de tout repère éthique de la part d’une certaine hiérarchie. Philippe Courroye à Nanterre et Jean-Claude Marin à Paris ne se sont pas ménagés pour tenter d’épargner à Jacques Chirac le procès qui s’achève. Plus généralement, M. Marin s’est illustré à la tête du parquet de Paris par son souci constant de traiter les dossiers gênants au mieux des intérêts du pouvoir. C’est une bien longue liste que celle des services qu’il a rendus, allant jusqu’à s’humilier dans l’affaire « Clearstream » en changeant d’avis en même temps que de gouvernement – gouvernement qui vient de le promouvoir à la Cour de cassation, autant pour le remercier que pour pouvoir continuer à compter sur lui dans l’affaire « Lagarde ».



Servir sous l’autorité d’un tel magistrat n’habitue certes pas au courage ; la responsabilité particulière de ceux qui se sont exprimés hier au nom de la société ne saurait, pour autant, trouver d’absolution dans ce triste constat.



Ils ont, tout d’abord, par leur lecture manifestement partisane du dossier, contribué à ternir encore l’image d’une institution, le parquet, qui n’en avait pas besoin et qui, d’ailleurs, dans sa majorité, ne ressemble pas à la caricature qui s’est donnée hier en – piètre – spectacle.



Ils ont ensuite, par leur expression visiblement peu maîtrisée, manqué de la plus élémentaire des délicatesses envers les magistrats qui ont instruit les deux volets du dossier – magistrats dont la compétence, l’indépendance et la rigueur sont pourtant unanimement reconnues.



Au-delà même des railleries – parfaitement justifiées – de la totalité de la presse, qui rejaillissent sur l’institution judiciaire tout entière, ces deux procureurs seront parvenus à renforcer les citoyens dans leur conviction que la justice n’est décidément pas la même pour tous ; en ce sens, c’est une part du sentiment démocratique qui s’est trouvée, hier, encore un peu plus abîmée.



Fidèle à un positionnement aussi éloigné que possible du corporatisme, le Syndicat de la magistrature ne saurait cautionner, ne fût-ce que par le silence, un tel dévoiement de la justice.