Le Monde vient de révéler que le garde des Sceaux avait décidé de renvoyer Isabelle Prévost-Desprez devant la formation disciplinaire du Conseil supérieur de la magistrature.



Michel Mercier estime donc que la présidente de la 15ème chambre correctionnelle du tribunal de Nanterre doit être sanctionnée pour avoir indiqué à des journalistes – qui ont reproduit ses propos dans le livre Sarko m’a tuer – que deux témoins entendus par ses soins dans le cadre du volet « abus de faiblesse » de l’affaire Bettencourt avaient évoqué, hors procès-verbal, des remises d’espèces à Nicolas Sarkozy par l’entourage de la milliardaire.



En septembre 2011, alors que la

« polémique » battait son plein et qu’il était davantage question de la révélation – forcément scandaleuse ! – que du révélé – finalement anodin... –, le ministre de la justice avait pourtant déclaré qu’il n’avait « pas l’intention d’être à l’origine d’une procédure disciplinaire » contre Madame Prévost-Desprez. Il avait certes ajouté qu’il « faisait toute confiance »

à son supérieur hiérarchique, le premier président de la Cour d’appel de Versailles, et il fallait entendre : je compte sur lui pour faire le sale boulot à ma place.



Las, Alain Nuée ne semble pas avoir été entièrement digne de la « confiance » ministérielle, puisqu’il n’a pas souhaité sanctionner lui-même l’intéressée, ni saisir directement le CSM comme il en avait le pouvoir. D’après Le Monde, ce hiérarque a considéré que le contexte dans lequel Madame Prévost-Desprez avait tenu ces propos, et en particulier l’attitude du procureur Philippe Courroye, devaient être pris en considération, de sorte qu’il convenait d’ordonner une inspection au tribunal de Nanterre pour faire toute la lumière sur cette affaire.



Il est vrai que Monsieur Courroye avait déjà fait un peu parler de lui, notamment lorsqu’il avait demandé à des enquêteurs de fouiller dans les factures téléphoniques de sa collègue et de plusieurs journalistes en violation de la loi sur le secret des sources.



Aussi surprenant que cela puisse paraître, Michel Mercier ne voit pas bien le rapport. Il ne trouve rien à redire aux pratiques du procureur Courroye. Qu’importe l’annulation par la Cour d’appel de Bordeaux, confirmée par la Cour de cassation, de l’enquête de Philippe Courroye sur Isabelle Prévost-Desprez ; qu’importe la mise en examen de Philippe Courroye, mardi dernier, pour « collecte illicite de données à caractère personnel par un moyen fauduleux, déloyal et illicite » et « violation du secret des correspondances » ; qu’importent aussi les étranges relations entretenues par Philippe Courroye, un ex-conseiller de l’Elysée et le gestionnaire de la fortune de Liliane Bettencourt révélées par Mediapart en juin 2010. Tout cela n’a strictement aucune importance !



De même, bien sûr, qu’il serait absurde de contester à Philippe Courroye le droit fondamental de déjeuner ou de dîner avec les protagonistes d’affaires sensibles dont il a ou pourrait avoir à connaître – comme il le fit avec Jacques Chirac avant de requérir un non-lieu dans le dossier des emplois fictifs de la Ville de Paris...



La présomption d’innocence de Philippe Courroye vaut pour l’ensemble de son oeuvre et elle est irréfragable. Il est vrai qu’il peut encore rendre des services. Ni l’Inspection ni le CSM n’auront donc à se pencher sur son cas. En revanche, on l’aura compris, il est urgent de confirmer à tous les magistrats qui dérangent que, oui, « Sarko » peut les « tuer ».



Le Syndicat de la magistrature s’insurge contre cette basse politique du « deux poids, deux mesures » qui en dit long sur la confiscation de l’appareil d’Etat par un clan qui sacrifie l’intérêt général sur l’autel de ses intérêts particuliers. Après Alain Peyrefitte, Dominique Perben, Pascal Clément, Rachida Dati, Michèle Alliot-Marie..., Michel Mercier est plus que jamais dans la course pour l’attribution du titre de pire garde des Sceaux de la Vème République.