Depuis quelques jours, l'ambiance est pesante pour quiconque est attaché au respect de l'indépendance de la justice et à l'égalité devant la loi.


Certains, dans une campagne coordonnée, se disant victimes d’un procès politique digne des pires dictatures, multiplient les attaques outrancières contre les magistrats, parfois visés nommément ; d’autres, habitués à fustiger le « laxisme » des juges, déplorent bruyamment de voir la loi appliquée à l'un des leurs avec la rigueur pourtant subie tous les jours par de nombreux anonymes ; d’autres encore, occupant les plus hautes fonctions exécutives, ne se contentent pas de rappeler le principe légitime de la présomption d’innocence mais affichent à l’égard d’une personne mise en examen un « soutien » appuyé pour le moins problématique au regard de la séparation des pouvoirs.


Le sommet est atteint lorsque que Jean-Luc Mélenchon affirme sa solidarité avec Richard Ferrand, traitant les juges en général de « menteurs ». Cette convergence inattendue montre bien ce qui, au-delà de tous les clivages, réunit ceux qui dénigrent la justice depuis quelques jours : le rêve inavouable d'une justice qui ne s'intéresserait qu'aux autres.


Que l’on s’entende bien, la justice peut - et doit - être critiquée pour nourrir le débat démocratique et il lui arrive aussi de se tromper, d’où l’existence de voies de recours. En revanche, nous continuons à dénoncer la rhétorique devenue ritournelle du « complot judiciaire », opportunément scandée par des responsables politiques mis en cause pénalement, en surfant, souvent à contre-emploi, sur la fragilité du statut du parquet qu’ils ont eux-mêmes sciemment entretenue. Nous attendons au contraire des personnalités au pouvoir qu’elles cessent de discréditer la justice et qu’elles oeuvrent pour la doter des moyens statutaires et budgétaires nécessaires aux garanties d’une indépendance incontestable.


Ces attaques cachent mal un fantasme d'impunité et de toute puissance malheureusement trop répandu, qui abîme notre Etat de droit.