Communiqué de presse du Syndicat de la magistrature après la présentation du projet de loi "J21" en conseil des ministres

Le projet de loi estampillé « J21 » vient d’être présenté en conseil des ministres. Deux ans de réflexions et de concertations au sein du ministère de la justice et un « grand débat national » pour aboutir à un projet qui relève plus du slogan - pour une justice plus proche, plus efficace, plus protectrice – que d’une révolution judiciaire.
Et pour cause, toutes les questions qui fâchent ont été soigneusement évitées.
Au pénal, le gouvernement a eu peur de son ombre et étouffé dans l’œuf toute velléité de rupture avec la répression à tous crins, celle qui frappe plus particulièrement les plus faibles et sacrifie le droit des justiciables au procès équitable. Nulle dépénalisation, nulle suppression des procédures expéditives. Tout au plus est-il question de contraventionnaliser les délits de défaut de permis de conduire et de défaut d’assurance, mais là encore, le travail de sape mené par l’Intérieur a payé : la réitération sera réprimée demain plus sévèrement qu’aujourd’hui !
La justice civile n’a pas bougé, ou si peu. La maigre victoire du transfert aux officiers d’état civil de l’enregistrement des PACS et les avancées, non financées, en matière de médiation et de conciliation ne trompent guère. L’épineuse question des déjudiciarisations, dont celle du divorce par consentement mutuel, est laissée de côté. La réforme laisse entière toute la question de la capacité de la justice civile à répondre aux attentes des justiciables, et notamment à être écoutés et à voir leur litige jugé dans un délai raisonnable.
La nécessité de transformer les tribunaux de commerce en une juridiction indépendante, échevinée et dotée d’un greffe fonctionnarisé a été balayée devant la résistance des juges consulaires, il n’en reste qu’une réforme homéopathique de leurs obligations déontologiques.
A l’exception de la création de l’action de groupe, en matière de discrimination notamment, et de la fusion des contentieux des affaires sociales, le gouvernement a choisi de colmater les brèches d’une justice au bord du gouffre par des rustines ou des déclarations d’intention. Une justice plus proche ? En guise de dispositifs de proximité pour l’accès au droit, des guichets qui n’auront « d’uniques » que le nom, et qu’il n’est pas question de généraliser dans tous les tribunaux ni de rendre universels, faute de personnel en nombre suffisant et d’un système informatique adapté. Plus ouverte sur la cité ? En fait d’espaces collectifs de débat sortant la justice de son vase clos, les conseils de juridiction sont conçus comme une version toilettée des audiences solennelles, grand-messe désuète de la justice centrée sur elle-même.
Quant aux moyens humains et matériels dont la justice a désespérément besoin, ils sont renvoyés aux caisses vides, tout comme les revendications pour une revalorisation du budget de l’aide juridictionnelle, seule à même d’assurer un égal accès à la justice pour tous.
De petits pas en grandes stagnations, faudra-t-il attendre le 22ème siècle pour une justice indépendante et égale pour tous ?