Lettre ouverte adressée à la garde des Sceaux pour en finir avec les cages en verre dans les salles d'audience

Madame la garde des Sceaux,


Le 18 avril, vous avez affirmé dans un communiqué que "l'utilisation de box vitrés fermés permet d'assurer une sécurité adaptée lors de certains procès, comme les procès d’assises, les audiences liées au terrorisme ou à la criminalité organisée. Dans d’autres situations, notamment dans la plupart des audiences de comparution immédiate, le recours à un box sécurisé ne s’impose pas. Ce choix doit appartenir au président d’audience."


Nous saluons l'avancée obtenue au tribunal de Paris : les comparutions immédiates ne seront pas jugées dans des cages fermées. Il est ainsi acté que la comparution dans les cages n'a pas vocation à s'appliquer dans la grande majorité des procès qui se tiennent en France. Mais il n'est pas possible de demeurer au milieu du gué.


Nous réitérons les termes de notre courrier du 31 janvier dernier. Le principe selon lequel toute personne prévenue ou accusée a vocation à comparaître à la barre – expressément posé concernant la cour d’assise dans le code de procédure pénale – doit être réaffirmé. Il est consacré dans la directive 2016/343 du Parlement européen et du Conseil, qui devait être transposée dans notre ordre juridique avant le 1er avril 2018 et rappelé dans l'avis récent du Défenseur des droits, textes dont nous avons rappelé les termes la semaine dernière dans notre communiqué du 19 avril.

 


Lorsque des circonstances exceptionnelles l’exigent, la comparution dans le box ne peut avoir lieu que si aucune vitre n’est érigée entre la personne et la formation de jugement et aucun grillage au dessus du box. Rien ne justifie en effet de déroger aux principes du respect des droits de la défense et de la présomption d'innocence, quelle que soit la nature des faits. Une comparution dans le box sans façade vitrée satisfait à l'exigence d'une sécurité renforcée lorsque des conditions particulières sont réunies dans des cas d'espèce.

 


Vous ne pouvez laisser subsister dans de nombreuses juridictions des cages dont la configuration serait contraire à ces principes fondamentaux, en vous retranchant derrière la responsabilité des présidents d'audience. D'une part parce qu'aucun procès ne peut avoir lieu avec un prévenu ou un accusé en cage fermée. D'autre part parce vous n'êtes pas sans savoir que, lorsque ces cages existent dans une salle d'audience, notamment dans les juridictions qui en ont peu, le fonctionnement des tribunaux et des escortes ne mettent pas toujours en mesure les présidents d'audience de faire comparaître les personnes à la barre sans désorganiser l'ensemble des services, et ce d'autant plus que la plupart de ces cages ne comportent pas d'ouverture permettant un accès direct à la salle d'audience. Les principes minimaux que vous avez vous-même dégagés dans votre communiqué ne recevraient ainsi pas d'application concrète sans démontage de ces cages.


Nous réitérons donc auprès de vous notre demande de faire procéder au démontage des vitres de tous les box – à tout le moins celle qui se situe devant le prévenu. Pour des raisons de sécurité, et afin de permettre de façon effective au président d'audience de faire comparaître les personnes à la barre, tous les box devront comporter une ouverture permettant d’accéder à la salle d’audience.


Comme tenu de l’importance de ce sujet tenant au respect des principes fondamentaux, vous comprendrez que nous rendions ce courrier public.


Nous vous prions d’agréer, Madame la garde des Sceaux, l’expression de nos considérations distinguées.

 

 


Laurence BLISSON
Secrétaire générale