Madame la garde des Sceaux,



Lors de la présentation du budget de la justice pour l’année 2013, le 28 septembre dernier, vous avez indiqué à propos de la justice civile qu’« une réflexion était bien engagée à propos des périmètres du contentieux et d’une amélioration de la carte judiciaire, et qu’il y aurait des propositions ».



Devant le Sénat, le lundi 1er octobre, vous avez déclaré : « Nous réfléchissons à un tribunal de première instance, en mettant toutes les options sur la table : (…) simplement regrouper les tribunaux d’instance et les tribunaux de grande instance, ou y inclure les conseils de prud’hommes, les tribunaux de commerce (…) ».



Ces propos nous ont vivement inquiétés dans la mesure où nous souhaitons être associés au plus tôt à cette réflexion, et non être consultés en fin de parcours sur un projet déjà bouclé. Votre cabinet nous avait d’ailleurs annoncé la création d’un groupe de travail au sujet du « périmètre TI–TGI » que nous attendons toujours.



Notre souci est d’autant plus vif que la création d’un tribunal de première instance suscite bien des inquiétudes et des interrogations.



En premier lieu, comment pourrait-elle se faire sans impliquer une nouvelle refonte de la carte judiciaire, un certain nombre de tribunaux d’instance étant situés dans une ville différente du tribunal de grande instance ?



Que deviendront alors les justiciables de ces juridictions rescapées du saccage résultant de la réforme Dati ? La création de

« chambres détachées » ne peut raisonnablement être envisagée comme une alternative viable, le contexte de pénurie risquant de conduire rapidement les chefs de juridiction à supprimer les « audiences foraines » et à rapatrier les personnels au motif d’une gestion plus « rationnelle »

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Quelles garanties statutaires auront les magistrats et les fonctionnaires affectés dans ces services de ne pas être déplacés dans un autre selon les priorités définies par leur hiérarchie ?



Quel sera le sort des procédures orales sans représentation obligatoire auxquelles nous sommes particulièrement attachés dans un souci d’accessibilité du service public de la justice si tout est absorbé dans l’entité du tribunal de première instance ?



Il ne s’agit là que de quelques questions au regard d’un bouleversement considérable de l’institution quant à ses enjeux pour les justiciables les plus modestes, déjà sacrifiés par la réforme menée à la hussarde en 2007-2008.



Vous comprendrez donc l’impatience avec laquelle nous attendons d’être associés au travail de réflexion en cours et déjà « bien engagé ».



Dans l’attente, nous vous prions de croire, Madame la garde des Sceaux, en l’expression de notre haute considération.







Pour le Syndicat de la magistrature

Matthieu Bonduelle, président