Communiqué du Syndicat de la magistrature suite aux réactions soulevées par l'arrêt du 26 juin 2013 de la Cour de cassation relatif à la prescription des peines

Prisons : De qui se moque t-on ?
Après l'exploitation totalement injustifiée de la décision du parquet de Chartres de ne pas mettre immédiatement à exécution trois peines d'emprisonnement en raison de la surpopulation carcérale, certains enfourchent déjà un nouveau cheval de bataille : la possible libération de « centaines » de condamnés en raison d'une erreur juridique commise en 2004.
C'est oublier un peu vite qu'en 2004, Dominique Perben, ministre de la justice de Jacques Chirac, a choisi de réformer le régime de la prescription des peines par décret et non par la loi. C'est garder le silence sur le fait qu'en 2012, Michel Mercier, ministre de la justice de Nicolas Sarkozy, informé de cette erreur, l'a rectifiée en catimini par une loi mais s'est bien gardé d'en tirer les conséquences, laissant à d'autres le soin de vérifier si certains condamnés ne purgeaient pas des peines prescrites et ne se trouvaient pas en détention arbitraire.
La cour de cassation vient de mettre fin à ces errements dans un arrêt du 26 juin 2013, en rappelant qu'un simple décret ne pouvait modifier le régime de prescription des peines. Le ministère de la justice, en donnant pour instructions aux parquets généraux de vérifier la situation des condamnés, ne fait qu'appliquer la loi et la décision de la cour de cassation.
Mais au cœur de l'été, il faut polémiquer, et utiliser les vieilles recettes : la contestation des décisions de justice. La droite, qui ment depuis des années sur l'efficacité de sa politique pénale de répression à outrance, qui est à l'origine de l'erreur de 2004 et qui a pris le risque de laisser des personnes en détention abusive, exige donc aujourd'hui de Christiane Taubira qu'elle trouve une solution pour ne pas respecter la décision de la cour de cassation !
N'en déplaise à certains, dans une société démocratique, la loi doit être appliquée de la même manière pour tous.
La situation explosive des prisons et l'état catastrophique de la justice en France exigent bien d'autres choses que les polémiques stériles et démagogiques entretenues par une droite largement responsable de cette situation après dix années de politique sécuritaire.
Le Syndicat de la magistrature attend du gouvernement qu'il engage de toute urgence les réformes qui permettront à la France de sortir la justice de l'impasse du tout carcéral. Ainsi que l'ont encore démontré les travaux de la conférence de consensus, il est indispensable de mettre en œuvre une politique pénale ambitieuse qui doit permettre l'abrogation des mécanismes automatiques de peines et notamment des peines plancher, contraires à tous les principes d'individualisation des sanctions, et d'utiliser les moyens budgétaires de l'Etat dans l'accompagnement et le suivi des condamnés plutôt que dans la construction de nouvelles prison.