Communiqué de presse commun suite aux déclarations de B. Cazeneuve sur les violences policières dénoncées à Calais

La contestation par M. Cazeneuve de la réalité des violences dénoncées dans le rapport tout récent de Human Rights Watch (HRW) sur les violences policières à l’encontre des personnes exilées à Calais [[http://www.hrw.org/fr/news/2015/01/20/france-les-migrants-et-les-demandeurs-dasile-victimes-de-violence-et- demunis]], et l’argumentation utilisée, n’ont hélas rien de nouveau (voir ci-après l’annexe « Une dénégation habituelle des pouvoirs publics »).
Le 20 janvier 2015, à peine cette très sérieuse organisation, de réputation internationale, avait-t-elle rendu publics les résultats de son enquête que Bernard Cazeneuve récusait les « accusations publiques contre les forces de l’ordre » [[http://www.interieur.gouv.fr/Actualites/Communiques/Accusations-publiques-contre-les-forces-de-l-ordre-formulees- par-l-association-Human-Rights-Watch]], pourtant étayées par de nombreux témoignages. Pour être crédibles, il aurait fallu, selon lui, que HRW ait soumis les actes de violence dénoncés à la vérification des institutions qui les ont commis - les forces de police -, tolérés - l’administration préfectorale - ou délibérément ignorés - les autorités judiciaires.
Comme le Défenseur des droits dans sa décision du 13 novembre 2012 [[http://www.defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/upload/decisionmds2011-113.pdf]], comme la Coordination française pour de droit d’asile (CFDA) en septembre 2008 dans son rapport La loi des « jungles » [[http://cfda.rezo.net/download/La%20loi%20de%20la%20jungle12-09-2008.pdf]], HRW dénonce le fait que, à Calais, les migrants sont « victimes de harcèlement et d'exactions de la part de la police française », notamment de « passages à tabac » et d’« attaques au gaz lacrymogène ». HRW critique également l’abandon à la rue de « la plupart des migrants et des demandeurs d'asile [qui] n’ont pas d'abri contre le froid et la pluie, pas d'accès à des installations sanitaires et un accès très limité à l'eau courante ».
Autant de faits de notoriété publique, qui sautent aux yeux de tous les observateurs locaux et que la presse n’a, elle aussi, cessé de rapporter.
Mais qu’importe l’évidence. Faute de vouloir ou de pouvoir mettre fin aux violences et à l’inhumanité qui règnent dans les jungles de tout le nord-ouest de la France, M. Cazeneuve les conteste, comme l’ont fait tous ses prédécesseurs depuis la fermeture du camp de Sangatte en 2002.
Et, pour tenter d'accréditer ses dénégations, M. Cazeneuve biaise. Ainsi quand il reproche à HRW d’avoir omis de faire examiner ses accusations par l’administration avant de les rendre publiques. Car alors, assure-t-il, des enquêtes n’auraient pas manqué d'être menées et d'aboutir à des sanctions si des fautes étaient établies.
Dans l’idéal, peut-être. Mais, dans la réalité, l'administration et la justice ont toujours, chacune à leur manière, enterré les accusations de violences.
En témoigne le sort de la plainte de John M, exilé érythréen, déposée le 16 juillet 2014 à Calais avec l'aide du Secours catholique, qui semblait tombée dans l'oubli avant que son exhumation par Libération [[« Cazeneuve aveugle aux plaintes des migrants », Libération 21 janvier 2015]] n'incite le parquet à réagir.
En témoigne aussi, le classement sans suites, confirmé par le procureur général de Douai dans une lettre du 6 décembre 2012, de plaintes déposées à Calais par le Secours catholique et par Médecins du Monde pour la destruction d’effets de migrants, au motif qu’elles seraient dénuées d’« intention délictuelle ».
En témoigne encore le sabotage, en 2004, d’une enquête sur une très vilaine affaire de racket par des policiers de Paris à l’encontre de deux exilés d’Irak, qui avait conduit la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS), ancêtre du Défenseur des droits, à manifester son vif mécontentement [[Rapport 2005 de la CNDS, pp. 56-61 - http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports- publics/064000325/0000.pdf]].
Tout montre qu'en tolérant les exactions des forces de l'ordre, dès lors qu'elles frappent les exilés, les autorités judiciaires encouragent les ministres de l'intérieur à les couvrir.
Ainsi va, depuis des années, l'insupportable politique d'un Etat qui, s'obstinant à refuser la présence, sur son sol, d'exilé.e.s chassé.e.s de leurs pays par la violence, ferme les yeux sur l'usage d'une semblable violence par ses propres forces de l'ordre.
Annexe
Une dénégation habituelle des pouvoirs publics (en pièce jointe)
ORGANISATIONS SIGNATAIRES
ACC Minorités Visibles - ADRA Dunkerque - Association d'Accueil aux médecins et Personnels de Santé Réfugiés en France (APSR) - Avocats pour la Défense des Droits des Étrangers (ADDE) - Calais, Ouverture & Humanité (COH) - Collectif Fraternité Migrants du Bassin minier 62 - Collectif Fraternité Rroms du Bassin minier 62 - Collectif de soutien des exilés (Paris) - Comité Meusien d'aide aux Demandeurs d'Asile (COMADA) - Comité de Vigilance des Alpes Maritimes (COVIAM) - Emmaüs Dunkerque - Emmaüs France - Emmaüs International - Groupe d'Information et de Soutien des Immigré.e.s (GISTI) - Itinérance Cherbourg - Ligue des Droits de l'Homme (LDH) - Ligue des Droits de l'Homme (LDH) Dunkerque - Organisation pour une Citoyenneté Universelle (OCU) - Salam Nord/Pas-de-Calais - Syndicat de la Magistrature (SM) - Terre d'Errance (Norrent-Fontes)