Communiqué de presse du Syndicat de la magistrature en réaction aux annonces de Bernard Cazeneuve, suite aux manifestations policières

Hier inflexible et sourd à la contestation populaire qui s’exprimait massivement contre la loi travail, le gouvernement cède aujourd’hui avec une facilité déconcertante à la colère débordante de plusieurs centaines de policiers. Ces nouveaux adeptes des manifestations sauvages n’ont pas tardé à imposer leur agenda. Si « la peur a changé de camp », c’est pour se déplacer dans le camp gouvernemental !
Les tentatives de déminage médiatique n’ayant pas tari les démonstrations de force, Bernard Cazeneuve est monté d’un cran. Le drame de Viry Chatillon à l’origine du mouvement passe du statut de crime contre des policiers, qui sera jugé comme tel, à une attaque contre la République, « en droit, et en devoir, de se défendre ».
En creux, dans ses annonces, le ministre de l’intérieur désigne à la vindicte policière un coupable idéal : l’autorité judiciaire.
Tatillonne interprète des règles de la légitime défense, au point que Bernard Cazeneuve envisage une nouvelle fois cette année d’en modifier le cadre. Enième retour de la présomption de légitime défense après un drame pour lequel chacun s’accorde à dire que ce fait justificatif n’aurait fait aucun doute, démontrant à l’inverse qu’au texte, il ne faut rien changer.
Privilégiée dans la répression de l’outrage, la magistrature pourrait, elle, prétendre à une sanction « à la hauteur », une année d’emprisonnement : une insupportable inégalité qu’un alignement du prix de l’outrage - à la hausse évidemment - fera bientôt disparaître.
« Lâche » dissimulatrice de ses décisions, notamment en matière de délinquance de rue, au point qu’il faudrait imposer à des acteurs qui dialoguent tous les jours une « méthode dite d’information partagée » afin de resserrer les liens avec la police.
Trois accusations populistes qui prennent le relais des manifestations organisées sous les fenêtres des tribunaux : réprimer plus sévèrement l’outrage, relâcher le contrôle sur l’usage des armes par la police et, surtout, placer les décisions de justice sous surveillance policière.
Qu’importe au fond qu’aucune de ces mesures n’assure de protection supplémentaire aux forces de l’ordre contre les violences, pas plus d’ailleurs que l’anonymisation des policiers dans les procédures et les interventions. L’affaiblissement consécutif des droits des personnes est occulté, comme dans les annonces de « simplification » de la procédure pénale, où les garanties légales sont vues comme une « paperasserie » inutile.
Il est consternant qu’il ait fallu attendre un tel drame pour que l’insuffisance des moyens policiers, commune à tant de services publics, soit prise en compte. Sans réflexion sur les priorités de l’action policière, la ribambelle de mesures démagogiques qui accompagne cet effort budgétaire est d’autant plus navrante.