Dans la suite des états généraux de la Justice et des annonces du garde des Sceaux du 5 janvier, un projet de loi de programmation de la justice sera discuté au Parlement au printemps. Nous avons ainsi été entendus ce 2 février s’agissant du volet pénal de l’avant-projet, lors d’une réunion bilatérale avec la direction des affaires criminelles et des grâces, avant l’envoi du texte au Conseil d’État.

Une fois n’est pas coutume, ce texte (hélas sans l’étude d’impact) nous avait été transmis suffisamment en avance par le ministère pour que nous puissions formuler des observations utiles que vous retrouverez ci dessous.

Globalement, l’avant-projet débute par un article d’habilitation du gouvernement à recodifier le code de procédure pénale « à droit constant » tout en intégrant, outre les dispositions actuelles du code de procédure pénale, des dispositions issues de la jurisprudence et des droits européen et international.

A cet égard, après avoir admis que le code de procédure pénale méritait d’être plus lisible et que le recours à l’ordonnance pouvait exceptionnellement se justifier pour assurer la cohérence de la recodification à droit constant, nous avons alerté sur la nécessité de mieux circonscrire l’habilitation. Ainsi, la mission particulièrement floue de « remédier aux insuffisances de la loi » ne saurait être confiée à l’exécutif sans précisions supplémentaires. S’agissant de l’intégration des «contraintes » (sic !) du droit de l’Union européenne, nous avons également insisté sur la nécessité de soumettre aux débats parlementaires la question de l’encadrement et de la consultation de l’accès aux données de connexion.

Les autres articles de l’avant-projet portent des modifications de la procédure pénale en matière d’enquête et d’application des peines, visant en particulier à promouvoir le travail d’intérêt général, et sur le champ de compétence de la CIVI.

Nos principales lignes rouges ont concerné les dispositions relatives à l’enquête, dont certaines, au premier rang desquelles l’extension considérable de la procédure de comparution à délai différé, sont gravement attentatoires aux libertés et vectrices d’emprisonnement en plus d’être mal rédigées et impraticables en juridiction. Dans la lignée des précédentes lois relatives à la procédure pénale, le parquet se voit doté de plus en plus de pouvoirs d’enquête, très peu entourés de garanties et maquillés par un pouvoir décisionnaire laissé au juge des libertés et de la détention. A l’inverse, le juge d’instruction voit peu à peu son office se réduire et l’information judiciaire – à raison – entourée de toujours plus de garanties. A situation identique, le couple parquet-JLD, dont le statut fragile n’est plus à rappeler, disposera de possibilités d’enquête plus importantes en flagrance que le juge d’instruction si une information est rapidement ouverte. L’avant-projet lui donne en effet la possibilité lors d’une enquête de flagrance de réaliser des perquisitions de nuit en cas de crime de droit commun, pouvoir dont le juge d’instruction ne dispose pas.

Plus globalement, alors que les conclusions du rapport Sauvé invitaient à une réforme systémique plutôt qu’à la multiplication des réformes que les juridictions ne sont pas mises en capacité d’absorber, nous déplorons que le gouvernement n’ait pas présenté la réforme ambitieuse que nous attendions et pourtant annoncée par le garde des Sceaux le 5 janvier 2023. L’avant-projet n’effleure même pas des sujets aussi essentiels que la régulation carcérale. Plus encore, il intervient en amont de la réforme constitutionnelle qui serait en préparation, et renforce encore les pouvoirs du parquet sans aucune garantie sur une modification future de son statut.

Dans l’attente de l’étude d’impact qui devrait accompagner le projet de loi de programmation, nous avons enfin réaffirmé l’importance de mesurer le plus rigoureusement possible les effets attendus de la réforme sur le fonctionnement des juridictions, afin de leur donner préalablement les moyens et le temps nécessaires à sa mise en œuvre.

Nos observations sur la LOPMJ (123.67 KB) Voir la fiche du document