Nicolas Sarkozy a annoncé hier la disparition du juge d’instruction au profit d’un « juge de l’instruction » simplement chargé de contrôler les mesures d’enquête.

Le président de la République a volontairement omis d’indiquer que le transfert de compétence se fera au bénéfice du parquet, statutairement soumis au pouvoir exécutif.

Cet accroissement des pouvoirs du parquet intervient à un moment où le pouvoir politique ne cesse de renforcer sa tutelle sur les procureurs dont la carrière dépend entièrement de l’exécutif.

Il doit d’ailleurs être souligné que la Cour européenne des droits de l’homme, dans une décision MEDVEDYEV/France du 10/07/08 (examinée en grande chambre le 6 mai 2009), a clairement rappelé « que le procureur de la République n’est pas une autorité judiciaire au sens que la jurisprudence de la Cour donne à cette notion : comme le souligne les requérants, il lui manque en particulier l’indépendance à l’égard du pouvoir exécutif pour pouvoir être ainsi qualifié »

Or, comme le relève judicieusement le président de la République dans son discours à l’audience solennelle de rentrée de la Cour de cassation, « nous ne pouvons pas faire comme si la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l ’homme n’existait pas » !

Aujourd’hui, les juges d’instruction, magistrats du siège dont l’indépendance est statutairement garantie, ont en charge toutes les affaires criminelles, les affaires économiques et politico-financières les plus sensibles.

Avec la disparition annoncée du juge d’instruction, le pouvoir exécutif se dote d’un instrument lui permettant de choisir les enquêtes qu’il souhaite voir mener… ou pas.

Or, il y a à peine quelques mois, le président de la République annonçait devant l’université d’été du MEDEF sa volonté de dépénaliser le droit des affaires et de protéger les chefs d’entreprise du risque pénal…

Plus grave, à l’heure où le gouvernement ne cesse d’afficher sa volonté de renforcer les droits des victimes, la suppression du juge d’instruction interdira aux plaignants de se constituer partie civile pour contrer l’inertie des parquets (santé publique, accident du travail, violences policières etc…).

Le Syndicat de la magistrature, qui a eu l’occasion au moment de l’affaire dite d’Outreau de développer 40 propositions pour moderniser la justice et renforcer l’égalité des armes dans le cours de la procédure pénale, ne peut que souscrire à une volonté de renforcer les droits de la défense et les libertés publiques.

Mais, depuis 2002, la France a enregistré un recul des droits et libertés sans précédent. Prétendre aujourd’hui les protéger en supprimant le juge d’instruction sans prévoir l’indépendance du parquet relève d’une grande hypocrisie.

Le Syndicat de la magistrature s’oppose avec force à une telle configuration de la justice pénale qui constitue une grave atteinte à la séparation des pouvoirs et remet en cause l’équilibre démocratique.

Il s’inquiète d’une concentration des pouvoirs entre les mains de l’exécutif dans tous les secteurs de la société civile (médias, fonction publique, santé, recherche, éducation, limitation du débat parlementaire).

Le Syndicat de la magistrature, fier d’être le « syndrome syndical» d’une formidable aventure collective en faveur de la liberté et des droits sociaux, appelle à une vaste coordination nationale pour défendre l’indépendance et le pluralisme.