Communiqué commun au Syndicat de la magistrature, à l'Union syndicale des magistrats et l'Association française des magistrats instructeurs

Composé sur mesure par des proches du pouvoir aux opinions connues d’avance, le comité Léger a, sans surprise, suivi les injonctions du président de la République. Il propose ainsi dans son pré-rapport la suppression du juge d’instruction, sans cependant garantir l’indépendance de l’autorité chargée de l’enquête, ni envisager des droits et moyens effectifs pour la défense.
Au terme de ces propositions, le parquet deviendrait le seul maître des procédures pénales sans aucune modification de son statut.

Le comité Léger part du postulat que le parquet français est à la fois indépendant et garant de la qualité de l’enquête, ce qui relève d’une mauvaise foi certaine au regard des réalités de terrain et de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (selon laquelle le ministère public français n’est pas une autorité judiciaire au sens de l’article 5 de la C.E.D.H.).
En effet, la pression hiérarchique, qui s’est considérablement renforcée depuis deux ans, annihile toute velléité d’indépendance et le contrôle du bon déroulement des enquêtes est loin d’être effectif, faute de moyens.

Au surplus, si le comité Léger pose le principe d’un renforcement du contradictoire, celui-ci reste en réalité très limité, voire virtuel, dans ses propositions concrètes : peu de renforcement du contradictoire dans les garde à vues de droit commun, maintien de régimes dérogatoires pour les infractions les plus graves et les plus complexes où les droits de la défense sont les moins garantis…

Le comité suggère même de créer une « retenue judiciaire » d’une durée de 6 heures, avec des droits encore plus limités, alors que la garde à vue peut être levée à tout moment, y compris avant la 6eme heure. Au lieu de simplifier, on multiplie les régimes en limitant les droits !

Comme nous l’avions souligné lors de l’annonce présidentielle, la création d’un juge de l’enquête et des libertés apparaît comme une pure caution procédurale. Loin de tirer les
conséquences de l'impuissance du JLD, le comité Léger consacre le principe du « juge alibi » au statut indéfini, aux interventions ponctuelles et sans véritable pouvoir pour impulser et orienter les investigations.

Après les travaux de la commission d’enquête parlementaire consécutive à l’affaire dite d’Outreau, le législateur a créé les pôles de l’instruction dont la mise en oeuvre n’est pas encore effective. Ce rapport vient bouleverser cette nouvelle organisation de la procédure pénale, avant même qu’on ait pu en mesurer les effets.

Pire, dans sa logique régressive, le comité va jusqu’à suggérer de supprimer certaines possibilités d’appel contre les décisions de poursuites devant les juridictions répressives !

Enfin, aucun mécanisme équivalent à la plainte avec constitution de partie civile n'est prévu en matière correctionnelle, alors que cette voie procédurale est aujourd'hui à l'origine de nombreuses informations judiciaires en matière économique et financière, de santé publique, ou d'homicides involontaires. Il s’agit d’un net recul pour le droit des victimes
L’Association Française des Magistrats Instructeurs, l’Union Syndicale des Magistrats et le Syndicat de la Magistrature sont consternés de telles propositions. Ils demandent solennellement la dissolution du comité Léger qui a démontré sa partialité et ses insuffisances.

Le bureau de l’USM
Le bureau du SM
Le bureau de l’AFMI