Communiqué commun du Syndicat de la magistrature et du Syndicat des avocats de France

La Cour européenne des droits de l’Homme a récemment rappelé la nécessité de garantir à toute personne placée en garde à vue le droit d’être effectivement défendue (arrêts Salduz c. Turquie du 27 novembre 2008 et Danayan c. Turquie du 13 octobre 2009), ce qui impose de permettre à son avocat d’assister à toutes ses auditions et d’avoir accès au dossier de la procédure dès le début de cette mesure privative de liberté.

Tel n’est pas le cas en France, où l’intervention de l’avocat s’apparente à un alibi procédural, puisqu’il peut seulement s’entretenir quelques minutes avec le gardé à vue.

Manifestement hostile à l’entrée des droits de la défense dans les commissariats de police, le syndicat Synergie-Officiers a aussitôt exprimé sa panique en qualifiant les avocats de « commerciaux » qui ne représentent que les « intérêts particuliers de leurs clients » et « dont les compétences en matière pénale sont proportionnelles au montant des honoraires perçus »…

Le Syndicat de la magistrature et le Syndicat des avocats de France condamnent avec la plus grande fermeté cette présentation aussi haineuse que caricaturale.

Il n’est peut-être pas inutile de rappeler quelques principes élémentaires à ce groupe de pression sécuritaire qui partage le monde entre « les victimes » et « les prédateurs sociaux » :

- la procédure pénale n’a pas vocation à assurer le confort des enquêteurs ou des professionnels du droit, mais à concilier la nécessaire efficacité des enquêtes avec les libertés publiques ;

- il appartient notamment aux avocats de soulever toutes les exceptions de nullités qu’ils décèlent dans les procédures et aux seuls magistrats d’en apprécier la pertinence ;

- la défense des plus démunis est un devoir pour les avocats, qui l’exercent avec conscience et professionnalisme, malgré des conditions d’intervention souvent indignes et une aide juridictionnelle au rabais ;

- à ce jour, n’en déplaise à Synergie-Officiers, seuls les magistrats sont constitutionnellement les garants des libertés individuelles.

Le Syndicat de la magistrature et le Syndicat des avocats de France déplorent le rôle extrêmement restreint que la loi française accorde aux avocats lors des gardes à vue, mesures lourdement coercitives dont le nombre a explosé ces dernières années, sans rapport avec l’évolution de la délinquance.

L’Union SGP-Unité Police vient d’ailleurs de dénoncer la pression statistique qui s’exerce sur les forces de l’ordre en matière d’interpellations. De fait, au nom d’une politique du chiffre absurde et dangereuse, la garde à vue est devenue un indicateur de performance de l’activité policière insécurisant pour nombre de citoyens.

Il est temps d’en finir avec cette logique productiviste, mais aussi avec la culture de l’aveu qui fait de la garde à vue un moyen « d’attendrir la viande »…

Le Syndicat de la magistrature et le Syndicat des avocats de France n’ont pas attendu le Premier ministre, ni la menace d’une nouvelle condamnation de la France par la Cour de Strasbourg, pour « repenser la garde à vue ». A cet égard, ils ne sauraient se contenter des demi-mesures que préconise le rapport Léger.

Ils n’entendent pas non plus céder aux intimidations d’un syndicat de police chassant sur les terres de l’extrême-droite et rappellent leur vigilance commune à défendre les libertés fondamentales et les principes démocratiques.