Décidément, le parlement enchaîne, sans états d’âme, le vote de lois pénales de circonstance, au mieux inutiles, au pire dangereuses, toujours démagogiques.

Le 26 janvier 2010, l’Assemblée Nationale a voté une loi qualifiant « d’inceste » les viols et agressions sexuelles commis sur un mineur « au sein de la famille ». Ce texte constitue une aberration pour trois raisons.

L’incrimination du Code pénal portant sur les « viols ou agressions sexuelles sur mineurs par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par toute autre personne ayant autorité sur la victime », réprime déjà l’inceste et a le mérite de lui donner une traduction juridique claire.

Par ailleurs, les députés ont étonnamment oublié qu’une personne majeure peut être victime d’inceste, puisque seules les victimes mineures ont fait l’objet de leurs sollicitudes…

Enfin, en désignant la « famille », sans en préciser le périmètre, le législateur étend d’une manière à la fois considérable et extrêmement floue le champ des relations qualifiées d’incestueuses : que devient la puissance symbolique de ce tabou fondateur lorsque sa signification est ainsi galvaudée ?

À l’évidence, le seul souci du législateur a été de répondre à certaines associations de victimes, en les confortant dans cette mystification selon laquelle l’inscription du mot « inceste » dans le marbre de la loi aurait des vertus thérapeutiques pour tous ceux qui ont subi, enfants, cette terrible réalité.

Quelques jours plus tard, le 16 février 2010, les députés ont persévéré dans leurs errements en adoptant, en première lecture, une proposition de loi « relative au régime de publicité applicable devant les juridictions pour mineurs ».

Alors que l’ordonnance du 2 février 1945 concernant les mineurs délinquants prévoit le principe de la publicité restreinte aux audiences, les cours d’assises et les tribunaux pour enfants pourront désormais décider de juger en audience publique une personne qui était mineure au moment des faits, si celle-ci, mais surtout le parquet ou la partie civile, le demande. Nul doute qu’il sera très difficile pour les juridictions d’imposer la publicité restreinte des débats dans des affaires où les pressions politiques et médiatiques seront fortes…

Le procès d’assises en appel dans « l’affaire Fofana », qui doit se tenir dans quelques mois, risque d’en être la première illustration et pour cause : c’est justement l’avocat de la partie civile qui a obtenu cette modification législative grâce à un travail de sape particulièrement efficace !

Manifestement, les députés ont été plus sensibles à ces pressions opportunistes qu’aux dispositions de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant exigeant du législateur des textes et procédures « spécialement conçus » pour les mineurs…

Le Syndicat de la magistrature dénonce cette nouvelle atteinte au principe fondamental de spécialisation de la juridiction des mineurs, qui préfigure de façon tout à fait inquiétante le contenu du futur « code de la justice pénale des mineurs ».

Il s’alarme de voir le droit pénal incessamment modifié au gré des réactions émotionnelles suscitées par des affaires criminelles - si dramatiques soient-elles - et condamne cette frénésie législative qui se fait au mépris de l’intérêt général et de la conception républicaine et démocratique du rôle de la loi.