Il ne se passe pas de jour sans que la question du statut du ministère public ne défraye la chronique. Et le mercredi 15 décembre fut riche en événements...

La chambre de l’instruction de la cour d’appel de Versailles a ainsi ordonné la mise en liberté de l’ancien chef du protocole du président libyen Mouammar Kadhafi. Placé en détention sur décision du parquet général à la suite d’une demande d’arrestation provisoire de la Libye, l’intéressé a été remis en liberté par la chambre de l’instruction. Celle-ci a en effet estimé que son incarcération avait été décidée par un magistrat qui ne pouvait être considéré comme une autorité judiciaire indépendante. Ce faisant, elle s’inspirait directement de l’arrêt « France Moulin » rendu quelques semaines plus tôt par la Cour européenne des droits de l’Homme, dans un cas d’espèce similaire.

Le même jour, la chambre criminelle de la Cour de cassation statuant en formation plénière a considéré, dans le droit fil de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg, que le parquet français « ne présente pas les garanties d’indépendance et d’impartialité requises » à la fois parce qu’il est soumis au pouvoir exécutif et parce qu’il exerce les poursuites.

Ce même 15 décembre, dans le cadre de l’examen du projet de loi sur la garde à vue par la commission des lois de l’Assemblée nationale, un amendement de Philippe Houillon adoptant le même point de vue a été adopté contre l’avis du gouvernement. Les députés ont en effet considéré que la garde à vue ne pouvait être contrôlée que par un magistrat du siège, juge des libertés ou président du tribunal de grande instance, et non pas par le procureur de la République.

Emboîtant le pas, les procureurs eux-mêmes ont donné de la voix. La conférence nationale qui les rassemble a immédiatement réclamé une « réforme urgente et devenue incontournable » de leur statut et « notamment (de leurs) conditions de nomination (...) en les soumettant à une avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature ». Tout en rappelant que « le rôle et le souci premier des procureurs, c’est la recherche de la vérité et l’application de la loi, dans l’impartialité », les chefs des parquets français ont tenu à demander solennellement une réforme « forte et symbolique » qui efface enfin « l’image d’un parquet dépendant du pouvoir politique » .

Cette prise de position des procureurs, qui déplorent eux-mêmes leur manque d’indépendance objective, conforte celle du Syndicat de la magistrature qui milite activement depuis de nombreuses années pour une réforme du statut du ministère public. Elle démontre également, s’il en était besoin, que ce n’est pas dénigrer le travail des magistrats du parquet que de dénoncer les graves difficultés posées par leur statut, contrairement à la vulgate entretenue en son temps par Michèle Alliot-Marie dont l’objectif était manifestement de « diviser pour mieux régner ».

La qualité d’un système judiciaire ne saurait reposer sur la seule qualité des personnes qui le font vivre. Il est désormais urgent d’offrir aux magistrats du parquet les garanties statutaires qu’imposent leurs missions.

Au-delà, il importe de redéfinir les prérogatives du ministère public qui, en sa qualité d’autorité de poursuite, ne peut être en charge du contrôle de mesures privatives de liberté ni exercer des prérogatives quasi-juridictionnelles comme c’est le cas aujourd’hui.

Pourtant, ces questions restent taboues pour le gouvernement. Souhaitons qu’à l’instar des chefs de parquet, dont certains ont amplement contribué au déni de leur propre situation, la Chancellerie finisse par se réveiller...