Par un courrier en date du 11 décembre 2012 diffusé aux magistrats du Tribunal de Grande Instance de Bordeaux, le directeur du centre pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan s’alarme de l’augmentation rapide du nombre de détenus au sein de son établissement depuis trois mois.

Il y est souligné notamment que des “détenus ne disposent pas de lit et doivent dormir sur un matelas à même le sol, cette situation étant bien évidemment indigne”. Le taux d’occupation du quartier homme est de 192 %, celui du quartier femme de 142 %.

Ce n’est malheureusement pas la première fois que les détenus sont entassés dans cet établissement, à, l’instar de bien d’autres, dans des conditions qui seraient vraisemblablement qualifiées d’inhumaines et dégradantes par la Cour européenne des droits de l’homme.

La section régionale du Syndicat de la Magistrature ne peut s’accommoder de cette situation pénitentiaire qui place notre République parmi les pays européens offrant les plus mauvaises conditions de détention ainsi que l’a dénoncé le rapport de Monsieur DELARUE, contrôleur général des lieux de privation de liberté.

Cela prend toute son importance au regard de la circulaire de Madame le Garde Des Sceaux, Christiane TAUBIRA, en date du 19 septembre 2012, qui a entendu fixer des orientations générales dans le cadre d’une nouvelle politique pénale, rappelant aux procureurs généraux que la loi prévoit que le recours à l’incarcération doit être réservé “aux situations qui l’exigent strictement". Pour ce faire, elle décline un certain nombre de mesures propres à limiter la surpopulation carcérale, notamment par le recours aux alternatives aux poursuites et le souci constant d’individualisation à tous les stades de la procédure.

Or force est de constater que cette circulaire n’est à ce jour d’aucun effet sur le ressort de la Cour d’appel de Bordeaux. Le recours aux poursuites et aux procédures rapides (comparution immédiate) n’a pas diminué, les peine planchers sont régulièrement requises et prononcées avec pour conséquence des incarcérations en augmentation, qui ne tiennent pas compte de la situation actuelle du centre pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan.

La section régionale du Syndicat de la Magistrature demande que la diversification des orientations pénales soit accrue et que les sanctions requises et prononcées prennent en compte la situation carcérale de notre ressort.

Elle entend susciter une réflexion sur le choix de la peine afin d’éviter un recours à l’emprisonnement quasi systématique et appelle les magistrats de la Cour d'Appel de Bordeaux à prendre en compte les conditions de détention avant de requérir ou de prononcer de nouvelles peines d'emprisonnement.

Elle rappelle la nécessité d’un débat sur un “numerus clausus”, qui, au delà d’une certaine limite, obligerait à libérer des condamnés en fin de peine avant de pouvoir en incarcérer de nouveaux.

Une “conférence de consensus sur la prévention de la récidive” a été organisée au niveau national pour tenter de trouver d’autres réponses que le “tout carcéral” dont on sait qu’il ne fait qu’aggraver le problème, particulièrement dans un contexte de surencombrement. Il est urgent pour la section régionale du Syndicat de la Magistrature de porter dès maintenant un autre regard sur l’opportunité des poursuites et sur leur modalités, comme sur le choix de la peine, afin de sortir de cette logique infernale.