Bon diagnostic, mauvais remèdes

Le 27 septembre 2018, le gouvernement a déposé devant le Sénat un amendement n° 463 au projet de loi de programmation sur la justice, modifiant certains articles relatifs aux règles procédurales applicables en matière de criminalité organisée.


Si l'exposé des motifs de l'amendement demeure très général, évoquant une volonté de renforcer le contrôle de l'autorité judiciaire en matière de criminalité organisée, ces dispositions ont manifestement pour objet d'apporter une réponse aux dysfonctionnements constatés dans certaines procédures traitées ces dernières années, notamment par l'Office centrale de lutte contre le trafic illicite de stupéfiants (OCRTIS). Le plus retentissant de ces dossiers a ainsi conduit à la mise en examen en 2017 de policiers de l’OCRTIS, suspectés d’avoir, sous couvert de livraisons surveillées et en cloisonnant l’information entre leurs différents interlocuteurs judiciaires, favorisé un important trafic de stupéfiant mené par l’un de ses principaux indicateurs.


Le Syndicat de la magistrature déplore d'emblée le calendrier adopté par le gouvernement, qui est malheureusement symptomatique du fonctionnement de la chancellerie au cours des derniers mois. En effet, alors que nous avons interpellé officiellement la ministre sur le sujet et manifesté à plusieurs reprises notre volonté d'être entendus, et qu'un groupe de travail ad hoc a été mis en place il y a plusieurs mois, nous n'avons à aucun moment été consultés dans la phase d'élaboration de ce texte alors même que nous avons rencontré la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) à plusieurs reprises sur la période, notamment autour du projet de loi de programmation pour la justice. Alors que la directrice de cabinet de la ministre nous assurait au mois de juillet 2018 que nous serions prochainement consultés dans le cadre d'une réflexion toujours en cours, nous n'avons finalement été entendus par la DACG que le 16 octobre 2018, soit à une date où l'amendement était non seulement déposé par le gouvernement depuis près de trois semaines, mais déjà adopté en première lecture par le Sénat.


Cette précipitation et cette absence de concertation véritable sont d'autant plus regrettables que le texte élaboré par la DACG présente plusieurs insuffisances et effets pervers, que nous aurions opportunément pu relever en amont.


En effet, si le Syndicat de la magistrature revendique depuis toujours un renforcement du contrôle de l'autorité judiciaire sur l'enquête judiciaire, il ne peut que constater les insuffisances du texte du gouvernement, que ce soit sur l'encadrement des livraisons surveillées ou sur la mise en place d'une centralisation qui ne saurait constituer une solution.


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