5. Un inlassable combat 
contre la logique managériale et productiviste

Face à une conception productiviste du service public de la justice, le Syndicat de la magistrature défend une justice de qualité, soucieuse de ses usagers et respectueuse des professionnels.

Dans les groupes de réflexion mis en place par le ministère depuis 2011 sur la charge de travail des magistrats, le SM lutte résolument contre l’adoption de normes excessives.

En son temps, il s’était opposé à l’application de la méthode LEAN dans les juridictions, ce procédé, issu de l’industrie automobile, ayant pour seul but d’accroître la productivité au mépris de la qualité du service rendu aux justiciables et de ses spécificités.

Le SM dénonce régulièrement l’abandon de la collégialité et le recours à des procédures sans procès dont le seul objectif est l’économie du nombre de magistrats et l’augmentation de la productivité de chacun. Il a ainsi critiqué les CRPC ou le recours accru en matière civile à une fausse collégialité où les assesseurs font de la figuration.

Convaincu que la concentration du pouvoir entre les mains de la seule hiérarchie favorise cette logique managériale, le SM milite pour davantage de démocratie en juridiction. Au-delà de ses revendications visant à donner plus de pouvoirs aux assemblées générales, ses représentants participent activement aux commissions restreintes, plénières ou d’études et sont un relais pour les collègues auprès des chefs de juridiction.

Le SM milite ainsi pour une réforme en profondeur de la procédure d’évaluation, infantilisante par ses absurdes appréciations littérales et ses grilles analytiques. Il se bat afin qu’elle cesse d’être un instrument utilisé par les chefs de juridiction pour fixer des objectifs quantitatifs aux magistrats et les contraindre à entrer dans une logique purement gestionnaire et qu'elle devienne un outil d’appréciation et d’amélioration de la qualité du service rendu. Le SM réclame que le changement de grade soit indépendant de l’évaluation. Il aide de nombreux collègues à formuler des observations et exercer des recours gracieux et devant la Commission d’avancement.

Hostile à une prime modulable qui peut atteindre jusqu’à 18% du traitement indiciaire et qui, du fait de l’opacité de ses critères d’attribution, constitue un moyen de pression pour les chefs de cour, le SM revendique depuis toujours sa suppression et l’intégration de l’enveloppe correspondante dans la partie fixe du traitement. Au-delà de cette contestation de fond, le SM assiste devant les juridictions administratives les collègues victimes de cet arbitraire avec un certain succès puisque ces juridictions ont fait droit à deux recours, l’un en raison d’une discrimination liée au handicap, l’autre au motif que le chef de cour – qui reprochait au collègue de ne pas travailler suffisamment – n’avait pas pris en compte ses difficultés

FOCUS : Lutter contre les risques psycho-sociaux

Alliée à une perte de sens, l’application au service public de la justice de méthodes managériales brutales inspirées du secteur privé est l’une des plus évidentes causes de la souffrance au travail vécue dans les juridictions. Le phénomène est désormais connu à défaut d’être réellement combattu : modélisation du travail, obsession de la performance malgré la pénurie des effectifs et des moyens, pression statistique… Il résulte du discours de la hiérarchie, qui affiche un souci de qualité mais le nie dans ses actes, un véritable conflit éthique, le diktat de la rentabilité poussant les magistrats à trahir les valeurs sur lesquelles ils fondent leur exercice professionnel et leurs obligations déontologiques.

Le malaise des magistrats trouve ainsi sa source dans les injonctions contradictoires qu’on leur assène : soyez inventifs mais soumis, produisez davantage de justice avec moins de moyens, soyez indépendants mais obéissez aux préconisations des technocrates.

S’y ajoutent des conditions de travail souvent indignes : des locaux parfois en piteux état, du matériel obsolète, mais aussi la nécessité d’absorber des réformes toujours plus nombreuses non préparées et non budgétées et de remplacer les postes vacants. À ces souffrances individuelles s’ajoute une détérioration des relations entre les personnels, source de souffrance collective.

Sans parler des attaques récurrentes et parfois violentes dont les magistrats ont fait l’objet dans les années passées.

C’est dans ce contexte qu’un groupe de travail issu du Comité hygiène et sécurité du ministère a achevé en 2013 la rédaction d’un plan d’action ministériel de lutte contre les risques psycho-sociaux. Il comporte des pistes d’actions pour favoriser le collectif de travail et améliorer son organisation mais aussi pour éviter l’isolement, favoriser l’accueil ou améliorer l’accès à la prévention médicale.

Les travaux de ce groupe ont rendu visible un investissement de longue date des organisations syndicales de magistrats et de fonctionnaires : ainsi, le Syndicat de la magistrature a activement lutté contre la pression managériale, pour une meilleure formation de la hiérarchie et pour l’intervention de tiers formés aux côtés des collègues en cas de besoin. Mais celui de l’administration n’a pas été à la hauteur. La direction des services judiciaires peine à faire vivre un groupe Optimisation des conditions de travail qui devrait décliner le plan dans les tribunaux et s’est contentée de la rédaction d’une circulaire de « conduite à tenir en cas de suicide » et de la mise en oeuvre d’un numéro vert d’assistance psychologique.

Le syndicat s’investit au niveau local par des initiatives souvent collectives afin de donner une réalité au plan de lutte contre les risques psycho-sociaux.