Cette année, le gouvernement a clairement affirmé sa volonté d’imposer sa tutelle sur l’autorité judiciaire. Jusqu’à présent, la culture de la séparation des pouvoirs empêchait l’exécutif de céder de manière aussi grossière à la tentation d’hégémonie.
Aujourd’hui, la moindre manifestation d’indépendance, la moindre retenue dans l’application des nouveaux textes répressifs donne lieu à un véritable déchaînement de la chancellerie, qui n’hésite plus à convoquer des procureurs généraux pour leur reprocher de mauvaises statistiques pénales ou à remettre en cause le principe de la liberté de parole à l’audience.
Pire, même lorsque les décisions judiciaires sont en phase avec la logique d’enfermement fièrement revendiquée par la Garde des sceaux, l’intimidation reste de rigueur et tout est mis en oeuvre pour exploiter médiatiquement des drames. L’affaire de Metz est à ce titre emblématique d’une volonté d’intimidation et de déstabilisation de l’institution judiciaire.
L’emprise sur l’institution judiciaire se manifeste également par les nouvelles règles budgétaires qui soumettent les juridictions à la pression du chiffre. La RGPP, enjeu de l’année 2009, accentuera cette dépendance financière au travers des restructurations annoncées ou déjà engagées qui, sous couvert de modernisation, programment un recul du service public de la justice.
Enfin, la réforme constitutionnelle n’a pas créé les conditions d’une réelle émancipation du Conseil supérieur de la magistrature qui reste soumis au fait majoritaire et ne peut donc assurer valablement sa mission de garant de l’indépendance de la justice.
Dans ce contexte de prééminence de l’exécutif, le Syndicat de la magistrature, réuni en congrès, s’engage à poursuivre avec détermination la défense d’une conception moderne d’une justice indépendante, égale pour tous et garante des libertés individuelles.
----


L’année 2008 a été marquée par l’accélération de la logique sécuritaire.

- La loi du 10 août 2007 instaurant un régime de peines-planchers dès la première récidive et faisant de l’enfermement la réponse centrale, a contribué à remplir davantage des prisons déjà surpeuplées et a remis en cause le principe d'individualisation des peines.

- La loi du 25 février 2008 créant un régime de « rétention de sûreté », enfermement sans crime, éventuellement à vie, à partir d’un pronostic de dangerosité potentielle, bafoue les garanties essentielles du droit pénal issues notamment de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789.

- Le fichier EDVIGE créé par un décret du 27 juin 2008 illustre la volonté gouvernementale de renforcer considérablement le fichage préventif. La mobilisation de grande ampleur contre EDVIGE a permis d’obtenir un recul du gouvernement sur certains des aspects les plus caricaturaux de ce fichier mais la même logique demeure dans le fichier EDVIRSP. La prolifération des fichiers de police et de gendarmerie reste très préoccupante au regard des faibles garanties offertes aux citoyens.

- La détermination du Président de la République, relayée avec zèle par la Garde des sceaux, en recourant au besoin à la diffusion de fausses informations, de donner à la justice une orientation exclusivement répressive est dangereuse. La remise en cause de la double compétence du juge des enfants en matière de protection de l'enfance et de traitement de la délinquance des mineurs, la réorientation budgétaire massive en faveur de l’enfermement (CEF et EPM), au détriment des mesures éducatives, le désengagement de l’Etat des mesures de protection de l’enfance à travers les directives internes à la PJJ, sont autant de remises en cause des principes fondateurs de la justice des mineurs.

Le Syndicat de la magistrature, réuni en Congrès, réaffirme solennellement :

. son opposition déterminée aux lois des 10 août 2007 (peines-planchers) et 25 février 2008 (rétention de sûreté) et son engagement en vue d’obtenir leur abrogation pure et simple,
. sa volonté de poursuivre son action au sein du collectif « non à EDVIGE » pour contester le fichage policier systématique notamment des mineurs, applicable aux mineurs, qui se développe et pour susciter un débat public indispensable sur cette question,
. son attachement aux principes essentiels de la justice des mineurs : la double compétence civile et pénale du juge des enfants, la primauté des réponses éducatives et la spécificité de l’échelle des sanctions.
Le Syndicat de la magistrature dénonce avec force les orientations rendues publiques de la Commission Varinard : emprisonnement dès l'âge de 12 ans, suppression de la participation des citoyens au jugement des mineurs par les tribunaux pour enfants, abaissement déguisé de la majorité pénale à 16 ans de mineurs qui pourront être jugés comme des adultes par le tribunal correctionnel.
----

Alors que la pauvreté s'accroît et que la fracture sociale se creuse chaque jour davantage,
Alors que les perspectives économiques font peser de lourdes menaces sur l'emploi et annoncent la multiplication des situations de grande précarité,
Alors que plus que jamais le droit du travail doit continuer de s'affirmer comme un droit de protection, ainsi que l'a rappelé l'Organisation Internationale du Travail à propos du CPE et du CNE,
Le gouvernement mène à marche forcée la suppression de la moitié des juridictions du travail ainsi que la réduction drastique des moyens des conseillers prud'hommes et la réforme de pans entiers du code du travail, réforme tant attendue par le MEDEF qui poursuit inlassablement deux objectifs :
– éroder les protections collectives
– prémunir les employeurs du contrôle du juge.
Prolongeant des évolutions initiées depuis plusieurs années, ces réformes réduisent le champ de l'ordre public social et inversent la hiérarchie des normes protectrices sous couvert d’une fallacieuse « flexicurité » :
– en faisant prévaloir les règles négociées sur les dispositions impératives,
– en privilégiant les accords conclus au plus près du terrain, c'est à dire aux niveaux où le rapport de force est le plus favorable aux employeurs,
– en renvoyant les salariés – et notamment ceux des sous-traitants - dans l'isolement de statuts atomisés,
Dans le même temps se multiplient les stratégies d'évitement du juge : rupture conventionnelle du contrat de travail, réintroduction de l'effet libératoire du solde de tout compte, augmentation de la durée des périodes d'essai ...
Dans ce contexte, le SM réaffirme sa volonté de défendre, en liaison étroite avec toutes les organisations syndicales poursuivant les mêmes buts,
- la vocation protectrice d'un ordre public social qui doit continuer de s'affirmer comme le moyen d'assurer l'équilibre des droits dans la relation de travail,
- l'accès de chaque salarié au juge chargé de garantir cet équilibre et d’assurer la reconnaissance des droits de tous, y compris des plus isolés ou des plus précaires,
- la lutte contre les discriminations.