Justice pénale

Le 5 mai dernier, la mission d’information commune sur la réglementation et l’impact des différents usages du cannabis, créée en janvier 2020, présidée par Monsieur Robin Reda (LR, Essonne), et qui avait préalablement organisé une consultation citoyenne sur le sujet, a présenté son rapport thématiquerelatif au cannabis dit « récréatif » au cours d’une conférence de presse.

Les députés, issus de la majorité notamment, y proposent la légalisation contrôlée du cannabis, permettant à l’Etat de reprendre le contrôle pour mener une politique publique réellement effective, notamment en direction des mineurs. Nous avions développé nos observations lors de notre audition par la commission en décembre dernier. 

Vous trouverez ici la tribune que nous avons publiée le même jour dans le journal Le Figaro, avec Jean-Pierre Couteron, psychologue clinicien, ancien président de la Fédération addiction, et Pierre-Yves Geoffard, économiste spécialiste des systèmes de santé, professeur à l’Ecole d’économie de Paris, dans laquelle nous plaidons pour un changement de paradigme dans la politique publique des drogues, afin de mieux lutter contre les dommages sanitaires et sociaux qu’elles causent, y compris la criminalité associée. 

Vous trouverez par ailleurs ci-joint le courrier adressé en commun avec d’autres organisations (OIP, SAF, Association des services de psychiatrie en milieu pénitentiaire, Fédération addiction, Médecins du Monde, Aides, Sidaction…) aux ministères de la Santé, de la Justice, président de la MILDECA, CGLPL et Défenseure des droits, réclamant que la loi adoptée en 2016 soit mise en oeuvre pour que les personnes détenues puissent accéder à la politique de réduction des risques comme en milieu libre afin notamment de prévenir la propagation du VIH et des hépatites. A la suite de ces démarches, le conseiller pénitentiaire du garde des Sceaux nous a accordé un entretien. Nous poursuivons nos actions en faveur de la santé des personnes détenues, afin que ce soit enfin respecté le principe selon lequel la privation de liberté ne doit pas s’accompagner de la perte d’autres droits fondamentaux.
 

Depuis le début de la crise sanitaire et au gré des restrictions de déplacement et regroupement prises par le gouvernement, un certain nombre de services pénitentiaires d'insertion et de probation ont interrompu, sur instruction des directions interrégionales des services pénitentiaires, les actions collectives, notamment celles liées à la prévention de la récidive en matière de violences conjugales (stages de sensibilisation, groupes de parole, etc). Cette interruption s'est poursuivie alors même que les transports en commun, la restauration collectiveet nombre de commerces demeuraient ouverts et que la communication du ministère de la Justice insistait sur sa détermination à lutter contre les violences conjugales.

Alors que l'actualité démontre à nouveau, si cela était encore nécessaire, l'importance des actions de suivi en matière de violences conjugales, nous avons adressé le 10 mai un courrier au directeur de l'administration pénitentiaire pour lui demander la reprise de ces activités au plus tôt. Le caractère indispensable de la prévention en matière de violences conjugales nécessite en effet la mise en oeuvre effective des décisions des tribunaux et des juges de l'application des peines.

Le directeur de l'administration pénitentiaire nous a rapidement répondupar retour de mail, expliquant lutter également contre la circulation du virus et nous annonçant la reprise prochaine des activités collectives en fonction des restrictions sanitaires et "selon le calendrier annoncé par le gouvernement". 

Vous trouverez ce courrier en pièce jointe.

Activités collectives des SPIP: notre courrier au DAP (739.89 KB) Voir la fiche du document

Outre les observations que nous avons rédigées sur toutes les thématiques concernées par le texte que vous trouverez regroupées dans un dossier spécifique sur notre site icinous avons également contribué - alors que le texte en actuellement en débat en séance publique à l'Assemblée nationale - avec 14 autres organisations dont l'OIP, la LDH, le SAF, le secours catholique, l'A3D...à la rédaction d'une lettre ouverte à destination des parlementaires (cf. PJ). Nous y regrettons le choix du passage de ce projet de loi en procédure accélérée, qui n’aura pas permis de véritable concertation ni avec la société civile, ni avec les professionnels, négligeant ainsi la richesse des débats que les sujets abordés auraient pu susciter. 
 
Nous y analysons par ailleurs le contenu de ce projet de loi notamment les dispositions relatives à la détention et l’exécution des peines privatives de liberté. Nous insistons sur le fait que l’urgence en matière de détention n’est pas de supprimer toute perspective de réduction de peine dès l’entrée en détention et de risquer une inflation carcérale mais de répondre aux exigences de la CEDH posées depuis plus d’un an et de mettre fin à la surpopulation des établissements pénitentiaires qualifiée de structurelle en France.

Lettre aux députés (399.83 KB) Voir la fiche du document

Nous avons adressé une seconde note en juillet, cette fois aux sénateurs, dans la perspective de l'examen du texte en septembre, que vous trouverez ci-jointe.

Notre note adressée aux sénateurs (390.25 KB) Voir la fiche du document

 

Sur les 29 % des personnes détenues qui travaillent - soit environ 20 000 personnes en moyenne annuelle - le travail en détention est constitué par le service général (52 %) correspondant au fonctionnement du service public pénitentiaire, le travail en concession pour le compte d’opérateurs privés (42 %) et le service de l’emploi pénitentiaire (6 %), opérateur qui gère 48 ateliers répartis dans 27 établissements pénitentiaires. 

La question du travail en détention est jusqu’à présent régie par deux textes assez synthétiques pour ne pas dire sibyllins : l’article 717-3 du code de procédure pénale et l’article 33 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009. Ils prévoient le principe du taux horaire minimum de rémunération fixé par décret et indexé sur le salaire minimum de croissance (SMIC) précisant que les relations de travail des personnes incarcérées ne font pas l’objet d’un contrat de travail et que le travailleur détenu signe un « acte d’engagement » avec le chef d’établissement dans lequel sont énoncés les droits et obligations professionnels ainsi que les conditions de travail et la rémunération. Ainsi, aucune précision n’est en l’état donnée sur la nature et la portée des droits et obligations des travailleurs détenus ni sur les normes minimales à respecter en matière de conditions de travail, si ce n’est que l’acte d’engagement précise « les modalités selon lesquelles la personne détenue, dans les conditions adaptées à sa situation et nonobstant l’absence de contrat de travail, bénéficie des dispositions relatives à l’insertion par l’activité économique prévues aux articles L 5132-1 à L 5132-17 du code du travail »

Le travail en détention est traversé par les tensions propres à l’emprisonnement en France. Fondamentalement, le détenu doit, pour obtenir le droit de travailler, montrer patte blanche à l’administration et se soumettre à son bon vouloir, sans pouvoir émettre de protestations lorsque certains principes pourtant essentiels sont bafoués ; l’administration peut modifier unilatéralement l’acte d’engagement, bien que le détenu ait signé cet acte ; l’administration pénitentiaire est fictivement considérée comme étant l’employeur, maintenant le condamné dans un bannissement symbolique contre-productif pour sa réinsertion. Alors que la détention a pour rôle de préparer le détenu à la sortie de prison, celui-ci reste cantonné à un rôle de sujet sans droits. Ce statut contribue au développement de pratiques au sein des établissements pénitentiaires aux marges de la légalité de la part de l’administration et des donneurs d’ordres.

Ces manquements en matière de droit du travail ont pu être relevés notamment dès l’année 2000 par la commission d’enquête sur les prisons de l’Assemblée nationale qui a dénoncé le fait que « l’absence de respect du droit du travail ruine la conception même du travail pénal comme outil d’insertion » ; ils sont à mettre en lien avec la baisse importante du taux d’emploi des personnes détenues qui est passé de 49,7 % des personnes détenues au début des années 2000 à 28,2 % en 2018. C’est ainsi tout le modèle économique du travail pénitentiaire qui montre dans son ensemble ses limites et nécessite une réforme digne de ce nom.

Pour répondre à ces critiques, et en lien avec les propos d’Emmanuel Macron le 6 mars 2018 lors de son discours à l’Ecole nationale d’administration pénitentiaire, qui revendiquait le fait que « le lien qui unit l’administration pénitentiaire et le détenu travaillant en son sein » ne doit plus être « un acte unilatéral avec la négation de tous les droits », mais « un lien contractuel avec des garanties qui s’y attachent » et que l’« on ne peut pas demander à des détenus de respecter la société, de pouvoir se réinsérer en elle » si « on nie [leur] dignité et [leurs] droits », le PJL pour la confiance dans la justice vise à définir un réel statut du travailleur détenu, ce que nous ne pouvons que saluer. 

Ce texte crée ainsi le contrat d’emploi pénitentiaire et a pour objectif de consacrer un certain nombre de droits collectifs et personnels propres au travail ainsi qu’à aboutir à un code pénitentiaire. Toutefois, en raison de la forme utilisée, notamment le recours à l’article 38 de la Constitution et le passage par ordonnances, ainsi que compte tenu des imprécisions et vides du texte, de nombreuses interrogations demeurent sur la création d’un réel statut du travailleur détenu au risque au final de ne créer qu’une coquille vide.

Vous trouverez ci-joint nos observations détaillées sur cette partie du projet de loi, à jour de l'étude d'impact et de l'avis du Conseil d'Etat. 

Observations sur le travail en détention (292.41 KB) Voir la fiche du document