Lettre ouverte à la garde des Sceaux et au ministre du redressement productif

Madame la garde des Sceaux,

Monsieur le ministre du redressement productif,


Des articles parus dans la presse régionale et nationale viennent de révéler des situations de possibles conflits d’intérêts auxquelles se seraient exposés des juges consulaires chargés de se prononcer sur une procédure collective touchant une grande entreprise bretonne.

S’ils étaient avérés, ces conflits d’intérêts entacheraient gravement l’impartialité du tribunal de commerce en question et, partant, le caractère incontestable de la justice rendue dans cette affaire.

Mais, bien au-delà de ce cas d’espèce, ces révélations illustrent surtout le vice originel dont est affectée la justice consulaire tout entière : comment des chefs d’entreprises et des commerçants élus par leurs pairs pourraient-ils, sur des territoires de taille parfois restreinte, demeurer impartiaux lorsqu’ils doivent statuer sur le sort d’entreprises dont certains d’entre eux connaissent presque nécessairement les dirigeants ? Et que dire par ailleurs du statut anachronique des greffiers de ces tribunaux, ainsi que du mode de rémunération des mandataires et liquidateurs judiciaires ?

Réformer cette justice est devenu indispensable : personne ne comprendrait que le nouveau gouvernement laisse perdurer, en ces temps de crise où les entreprises et leurs salariés sont confrontés à d’importantes difficultés, des situations de conflits d’intérêts au sein même de l’institution judiciaire qui n’est, de ce fait, pas à même de jouer équitablement son rôle régulateur. Vous n’ignorez pas qu’une telle réforme fait partie de celles que la gauche promet depuis de très nombreuses années sans les avoir, pour l’heure, menées à terme.

Interrogé par le Syndicat de la magistrature pendant la campagne électorale, François Hollande s’est déclaré partisan d’une évolution en déclarant : « En ce qui concerne les tribunaux de commerce, on devra envisager une réforme qui permette d’associer, en première instance comme en appel, juges professionnels et personnes venant du monde de l’entreprise ».

Nous souhaitons donc vous alerter sur l’urgence qui s’attache à la mise en chantier de cette réforme et souhaitons connaître vos projets en la matière.

Nous vous prions d’agréer, Madame la garde des Sceaux, Monsieur le ministre du redressement productif, l’expression de notre haute considération.




Pour le Syndicat de la magistrature,

Matthieu Bonduelle, président


Petite revue de presse :


http://www.letelegramme.com/ig/generales/regions/bretagne/dossier-doux-des-juges-sous-pression-s-a-quimper-17-09-2012-1840148.php

http://www.lexpress.fr/actualite/societe/conflit-d-interets-chez-les-juges-de-quimper1162311.html

http://www.lexpress.fr/actualite/societe/justice/tribunaux-de-commerce-juges-et-accuses1162324.html

http://www.la-croix.com/Actualite/S-informer/Economie/La-faillite-de-Doux-relance-le-debat-sur-les-tribunaux-de-commerce-EG-2012-09-18-854627