Le rapport moral du Syndicat de la magistrature pour l'année 2016 adopté à l'unanimité au Congrès de Paris le 26 novembre 2016

Le monde qui s’annonce ne nous plaît pas. Il augure un vacillement généralisé des idées, des valeurs et des projets. Il est vital d’y résister.
De cataclysmes en turbulences, l’année ne nous aura pas épargnés. La violence criminelle terroriste s’est imposée dans notre quotidien : à Magnanville, Nice, Saint-Etienne-du-Rouvray, comme ailleurs en Europe et dans le monde, des vies ont à nouveau été emportées. Sur notre douleur, mêlée d’incompréhensions face à tant de brutalité, s’est construite notre colère, de voir se libérer, en même temps, la haine de l’autre et l’abandon du droit. L’humanisme pénal guide notre réflexion pour une réponse légitime, efficace et équilibrée, qui ne souffre ni évidences, ni facilités. Si les idées les plus sombres ont pu réapparaître, d’internement en déchéance, c’est parce que le brouillage est venu d’en haut, dans l’urgence d’un État à accumuler des lois votées à la hâte.
Sur ce terrain miné par des séismes répétés, l’année 2016 a offert à la justice et aux libertés bien peu d’éclaircies. La démocratie a été un temps ravivée par l’expression d’une contestation populaire qui n’a plus connu de repos, de nuits occupées en journées turbulentes. Mais les coups de 49-3 et la stratégie de la tension ont sonné le glas de cette effervescence et, avec elle, de l’espoir de préserver l’ordre public social dont le juge est garant. Un ordre public asphyxiant s’est quant à lui manifesté avec vigueur, de déploiements policiers massifs en interdictions de manifester commodément appuyées sur un état d’urgence toujours reconduit. Et c’est à d’autres rassemblements, tenus nuitamment, que le gouvernement a concédé une réforme de la légitime défense à laquelle nous opposons une légitime défiance.
L’édification méthodique de barrières administratives et de clôtures repoussant les migrants de l’infortune hors de nos frontières aura également alimenté de dramatiques turbulences. Le sinistre arrangement conclu avec une Turquie s’enfonçant dans l’autoritarisme et l’évacuation des campements de Calais et de Paris en ont été les sombres manifestations. L’humanité s’est perdue dans de viles tractations et dans le bruit des tractopelles, offrant le spectacle d’une France encore opulente qui détruit abris de fortune et solidarités de fait et renvoie à une perpétuelle errance des vies déjà brisées.
À sa mesure bien plus modeste, notre syndicalisme n’a pas été préservé de ce climat houleux. Dans le débat public comme au sein de l’institution, les secousses nous ont ébranlés. Les victoires, rares et chères, de nos idées pas plus que nos actions n’auront permis d’enrayer l’affaiblissement de notre représentativité. Mais l’essentiel est préservé dans notre capacité à agir ; notre combativité demeure et il faudra nous atteler à une reconquête.
Les turbulences à venir ne nous laisseront pas de répit : déjà les entrées en campagne bruissent du désir de tailler dans les libertés et de réduire au silence leurs gardiens constitutionnels. Des prétoires dans lesquels on nous convoque et de ceux où l’on veut nous enfermer dans un corporatisme poli, nous forcerons les portes pour faire jaillir notre combat déterminé, impertinent et turbulent pour la justice, les libertés et l’égalité.
En route vers la cinquantaine, nous voulons réaffirmer la force de notre conviction syndicale et fixer le cap en prévision des turbulences qui s’annoncent.
(Le rapport en intégralité est en pièce jointe)

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