Compte rendu de la rencontre avec la garde des Sceaux en novembre 2017 : les grandes lignes de réforme souhaitables

Le Syndicat de la magistrature a été reçu en novembre 2017 par la garde des Sceaux, assistée de ses conseillers Hélène Davo et Eric Thiers, pour échanger sur le projet de révision constitutionnelle, aux côtés de l’USM et de FO-Magistrats.

Nous avons insisté sur l'urgence d’assurer pleinement l’indépendance de la justice, en repensant les missions et pouvoirs du Conseil supérieur de la magistrature ainsi que sa composition.

Ce n’est plus du Président de la République, mais du CSM que doit relever la mission constitutionnelle de garantir l’indépendance de la justice. Pour l’assurer, celui-ci devra pouvoir enfin s’exprimer sur l’indépendance, la déontologie et le fonctionnement du service public de la justice de sa propre initiative ou sur la saisine des magistrats qui voient leur indépendance attaquée. Son budget de fonctionnement devra être autonome, rattaché aux "dotations des pouvoirs publics", afin que ses missions puissent s’exercer sans entrave budgétaire.

Afin de couper le lien entre la magistrature et le pouvoir exécutif, c’est au CSM - et non plus à la DSJ - que doit revenir l’initiative de la nomination de l’ensemble des magistrats, du siège et du parquet, mais aussi des fonctions particulières telles que la direction de l’Ecole nationale de la magistrature. Pour ce faire, le CSM devra se voir rattacher les services ressources humaines de la DSJ. Ses décisions devront êtres motivées et les nominations aux postes hiérarchiques être plus transparentes, par exemple en envisageant que les auditions préalables soient publiques. Le pouvoir disciplinaire doit être retiré au garde des Sceaux pour les magistrats du parquet, dont l’inamovibilité doit être reconnue.

Le CSM devra enfin se voir reconnaître un rôle central dans l’élaboration d’un budget de la Justice sanctuarisé.

Le Syndicat de la magistrature a soutenu que les personnalités extérieures devaient rester majoritaires dans le CSM, pour prévenir les dérives de l’entre-soi et du corporatisme. Le mode de désignation de ses membres doit toutefois être revu : un processus plus ouvert et démocratique pour les personnalités extérieures et un scrutin plus juste pour les membres magistrats afin de lutter contre la surreprésentation de la hiérarchie et le fait majoritaire. Enfin, le président du CSM doit être élu à la majorité absolue par ses membres parmi les personnalités extérieures, ce qui permettra d’assurer une présidence unique et forte.

Nous avons affirmé que la réforme qui s’annonce, qui se bornerait à l’extension de l’avis conforme du CSM à la nomination des magistrats du parquet, ne nous satisfait pas et ne suffira pas au regard de la jurisprudence européenne.

Nous avons enfin rappelé à la garde des Sceaux que l’indépendance de la Justice impose qu’au plus haut niveau de l’Exécutif, le ministre de l’Intérieur cesse ses empiètements et pressions répétées sur la justice, nous lui avons à cet égard rappelé la teneur des courriers que nous lui avons adressés, demeurés sans réponse à ce jour. Nous avons conclu sur la nécessité pour la justice de prendre toute sa place dans notre architecture institutionnelle et de refuser d’être empêchée, cantonnée ou contournée.

Nous avons aussi profité de cette occasion pour rappeler notre opposition au projet de tribunal de première instance qui amoindrirait gravement les garanties liées à l’inamovibilité et offrirait aux chefs de juridiction des leviers contre l’indépendance de la justice.

Le Syndicat de la magistrature continuera de porter un projet ambitieux pour la justice, tant auprès du ministère que des parlementaires, au printemps 2018, date à laquelle le projet devrait être présenté.