Les communiqués de presse

  • [Mayotte] L'indépendance de la justice n'est pas une idéologie

    Ces derniers jours, de nombreuses déclarations, communiqués, et articles de presse ont ouvertement mis en cause le rôle de la justice à Mayotte et, plus particulièrement, celles et ceux qui la rendent, ainsi que la liberté syndicale des magistrats.

    Dans l'attente d’autres réactions institutionnelles fortes face à la gravité de ces attaques, voici notre communiqué de presse.

    [Mayotte] CP - L'indépendance de la justice n'est pas une idéologie () Voir la fiche du document

  • Les déplacements du président de la République ne justifient pas de porter atteinte à la liberté de manifester

    Depuis quelques jours, tous les déplacements du président de la République s’accompagnent d’arrêtés préfectoraux, instaurant un périmètre de protection, fondé sur la législation antiterroriste, à l’intérieur duquel sont interdits les cortèges, défilés, rassemblements revendicatifs ou encore les dispositifs sonores. C’est sur ce fondement que lors du déplacement d’Emmanuel Macron dans l’Hérault la semaine dernière, les manifestantes et manifestants se sont vus confisquer des casseroles qui représentent un des modes d’expression d’une partie de la population contre la réforme des retraites.

    Face à ce détournement évident des dispositifs antiterroristes, la LDH (Ligue des droits de l’Homme) le Syndicat des Avocats de France (Saf), soutenus par le Syndicat de la Magistrature (SM) et l’Union syndicale Solidaires, ont déposé, le 24 avril 2023, parallèlement à l’Adelico, un référé-liberté devant le tribunal administratif d’Orléans contre un tel arrêté pris cette fois par le préfet du Loir-et-Cher en prévision de la visite du président de la République à Vendôme. Le tribunal administratif, par une ordonnance rendue le 24 avril 2023, a suspendu l’arrêté contesté en retenant un détournement des mesures antiterroristes par la préfecture qui porte gravement atteinte à la liberté d’aller et venir.

    Malgré cette ordonnance et en prévision de la visite du président de la République à Fort de Joux, le préfet du Doubs a pris un arrêté similaire contre lequel nos mêmes associations ont déposé un référé-liberté. Par une décision prise ce 27 avril 2023, le préfet du Doubs a procédé au retrait de l’arrêté contesté. En le retirant avant même l’audience, il reconnait, au moins implicitement, sa non-conformité au droit.

    Nos associations se félicitent de ces décisions faisant obstacle à une atteinte manifeste à la liberté d’expression au travers du droit de manifester, lequel se trouve mis à mal depuis plusieurs années de la part des autorités gouvernementales.

    Tout en espérant l’absence de renouvellement de ce type de mesures liberticides, elles poursuivront inlassablement leur combat, si nécessaire, contre de tels arrêtés afin de les faire annuler devant la justice ou d’obtenir leur retrait avant même une décision judicaire.

    Paris, le 27 avril 2023

    Signataires : LDH (Ligue des droits de l’Homme), Syndicat des Avocats de France (Saf), Syndicat de la Magistrature (SM), Union syndicale Solidaires

    CP - Les déplacements du président de la République ne justifient pas de porter atteinte à la liberté de manifester () Voir la fiche du document

  • Loi JO 2024 : Passage de flambeau au Conseil constitutionnel

    Communiqué de l’Observatoire des libertés numériques (OLN) dont le SM est membre

    La loi sur les Jeux olympiques (JO) a été définitivement adoptée le 12 avril. Dans la foulée, les députés de l’opposition ont saisi le Conseil constitutionnel. L’observatoire des libertés et du numérique (OLN) a envoyé ses observations dans un mémoire (accessible ci-dessous), invitant le Conseil constitutionnel à censurer les articles portant sur la vidéosurveillance algorithmique (article 7), les scanners corporels (article 11) et l’infraction d’intrusion dans les stades (article 12).

    Après avoir mené le combat contre la vidéosurveillance algorithmique (VSA) au Parlement, l’OLN a réitéré ses critiques auprès du Conseil constitutionnel contre cette technologie de surveillance de masse, introduite pour la première fois en Europe à travers cette loi. Les dangers que la VSA fait peser sur les libertés découlent directement de la conception et du fonctionnement des logiciels de détection des comportements.

    Le mémoire débute par un exposé technique, qui se veut didactique, sur l’élaboration de systèmes algorithmiques. Il est ensuite démontré que le recours à la VSA ne répond ni à la condition de nécessité ni à l’exigence de proportionnalité.

    D’une part, le gouvernement n’est pas parvenu à prouver de façon concrète et tangible une quelconque utilité ou efficacité de la VSA pour prévenir la délinquance, la criminalité ou les situations supposément risquées. D’autre part, les atteintes aux droits sont trop importantes par rapport à l’objectif poursuivi, les prétendues garanties prévues étant illusoires : celles-ci dépendent toutes du bon vouloir de l’État tandis que l’opacité de la fabrication des algorithmes par le secteur privé n’est jamais remise en question.

    Le flou des « évènements » censés être détectés par les algorithmes, qui ne sont jamais définis précisément dans la loi ni au cours des débats parlementaires, a été dénoncé. Ils ne seront précisés qu’ultérieurement par décret. La Cnil sera certes consultée mais son avis n’est pas contraignant. Surtout, il est difficile de compter sur cette institution tant elle s’est révélée défaillante sur le sujet notamment depuis qu’elle a perdu son rôle de contre-pouvoir.

    Une décision récente de la Cour constitutionnelle allemande a jugé inconstitutionnels des logiciels de police prédictive. Elle a considéré un traitement algorithmique problématique en ce qu’il crée et révèle de nouvelles informations plus intrusives sur les personnes. Le Conseil constitutionnel a été invité à s’en inspirer.

    L’OLN a également soutenu l’inconstitutionnalité de l’article 11, qui met en place des scanners corporels attentatoires au droit à la vie privée, et de l’article 12, qui crée de nouvelles sanctions disproportionnées en cas d’intrusion dans des stades, et dont il est à craindre qu’elles visent principalement les actions militantes dans le prolongement d’autres dispositions législatives répressives.

    Le Conseil constitutionnel a maintenant un mois pour se prononcer. Sa jurisprudence passée, validant les dernières lois sécuritaires (loi sécurité intérieure, loi transposant le règlement de censure terroriste, LOPMI) ne laisse rien augurer de bon. Quoi qu’il en soit, les associations et organisations parties prenantes de l’OLN continueront d’agir contre chacune des expérimentations de la VSA et de dénoncer cette escalade vers un État de surveillance de plus en plus généralisé.

    Organisations signataires membres de l’OLN : le CECIL, Creis-Terminal, la LDH (Ligue des droits de l’Homme), Le Syndicat des avocats de France (SAF), le Syndicat de la magistrature, La Quadrature du Net (LQDN).

    Paris, le 24 avril 2023

     

    Porte étroite OLN - PJL JO 2024 () Voir la fiche du document

  • Dysfonctionnements informatiques pour l'application des peines : notre communiqué

    Vous trouverez ci-dessous notre communiqué de presse faisant suite aux dysfonctionnements majeurs de l'applicatif métier APPI utilisé par les services de l'application des peines.

    Dysfonctionnements d'APPI : notre communiqué () Voir la fiche du document

  • Nominations de personnalités extérieures au CSM : notre communiqué de presse

    Vous trouverez ci-dessous notre communiqué faisant suite à l'annonce de l'identité des personnalités extérieures proposées par le président du Sénat et le président de la République pour composer le CSM.

    Personnalités extérieures du CSM : doublé gagnant pour l'entre-soi ()  

  • Communiqué de presse : l'autre "triplé historique" d'Eric Dupond-Moretti

    Gifle, camouflet, désaveu... Les mots ne manquent pas pour qualifier la portée des décisions rendues ce 19 octobre 2022 par la formation disciplinaire du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) compétente pour le parquet.

    Alors qu’il lui revenait de rendre un avis sur d’éventuelles fautes disciplinaires commises par Eliane Houlette et Patrice Amar lorsqu’ils exerçaient ensemble au parquet national financier, le CSM a mis hors de cause les deux magistrats.

    Ces avis étaient attendus au regard de la récente décision du CSM dans sa formation compétente à l’égard du siège dans l’affaire Levrault. Les réquisitions du directeur des services judiciaires, représentant pour l’occasion la Première ministre, avaient témoigné du malaise de l’exécutif dans ces affaires : tout en refusant de revenir sur l’existence même d’une faute disciplinaire, aucune sanction à l’égard des deux magistrats n’avait été requise. Ces décisions n’en sont pas moins fondamentales, à plusieurs titres.

    Elles mettent d’abord d’un coup d’arrêt à la vindicte grossièrement menée par Eric Dupond-Moretti contre les magistrats anti-corruption qui avaient eu l’outrecuidance d’enquêter dans l’affaire Bismuth. (...)

    Ensuite, le CSM a non seulement mis hors de cause les deux magistrats, mais est allé plus loin, en soulignant très clairement la « situation objective de conflit d’intérêts » dans laquelle Eric Dupond-Moretti s’est trouvé dans cette affaire. Cette phrase discrète, posée au milieu d’un avis de 13 pages, est pourtant lourde de sens, en ce qu’elle émane de l’instance chargée d’assister le président de la République pour garantir l’indépendance de la justice. Le président de la République ne peut donc pas le négliger, de la même façon qu’il ne peut pas dédaigner la décision de renvoi rendue par la Cour de justice de la République en la qualifiant de simple « décision de procédure ».

    Les décisions du CSM rappellent elles aussi le caractère inédit du maintien d’Eric Dupond- Moretti dans ses fonctions. Alors que le rapport des états généraux de la justice, dressant une feuille de route pour le quinquennat, recommande – tout comme le fait le Syndicat de la magistrature depuis des années - la suppression de la Cour de justice de la République, comment peut-on attendre d’Eric Dupond-Moretti qu’il aille au bout de cette réforme, renonçant ainsi à son privilège de juridiction ? Plus encore, lorsque François Molins quittera ses fonctions de procureur général près la Cour de cassation, il reviendra au garde des Sceaux de nommer son successeur, celui-là même qui soutiendra l’accusation devant ses juges. On n’est plus à un conflit d’intérêts près, et tant pis pour l’État de droit !

    Enfin et surtout, ces décisions du CSM révèlent encore une fois le trou béant dans la raquette de l’indépendance de la justice : ce n’est pas à cette instance indépendante, composée paritairement de magistrats et non-magistrats, que revient la décision disciplinaire finale prise à l’encontre des deux magistrats du parquet, mais garde des Sceaux lui-même. Même si c’est la Première ministre qui statuera en vertu du décret de déport, dont la constitutionnalité est par ailleurs contestable, comment espérer, dans ces conditions, renouer la confiance du citoyen en l’institution judiciaire ?

    Tant elle est ubuesque, la situation serait presque drôle si elle n’était pas aussi gravissime pour notre démocratie. Et ce ne sont pas les annonces tonitruantes du garde des Sceaux, se vantant d’un « triplé historique » et d’une revalorisation inédite du traitement des magistrats qui vont nous faire oublier l’essentiel. Nous le répèterons autant qu’il le faudra : l’indépendance de la justice n’est pas à vendre.

  • Le flambeau de la réinsertion menacé d'élimination ? Notre CP commun avec l'ANJAP et le SAF

    Deux ans après la condamnation de la France par la CEDH pour le caractère indigne et dégradant des conditions de détention dans ses établissements pénitentiaires, dont celui de Fresnes, et alors que les rats et punaises de lit y courent toujours, nos organisations s’indignent de ce que le garde des Sceaux s’émeuve d’une action de réinsertion.

    Alors qu’il y a peu, dans son discours d’investiture, Eric Dupond-Moretti affirmait penser « aux prisonniers et à leurs conditions de vie inhumaines et dégradantes », le ministre de la justice assume désormais une communication démagogique et sécuritaire, choisissant d’agiter le mythe populiste de la prison « club med », trop confortable ou récréative, plutôt que de rappeler la réalité carcérale que vivent au quotidien les 72 000 personnes détenues ainsi que les personnels pénitentiaires dans les prisons françaises.

    Il nous faut donc - encore une fois - rappeler que la surpopulation pénale en France a été qualifiée de « phénomène structurel » par la Cour européenne des droits de l’homme et qu’il en résulte, outre un quotidien relevant de traitements inhumains et dégradants pour les justiciables détenus, un accès aux soins, à la scolarité, à la formation ou au travail plus que limité dans ce contexte.

    Pire encore, legarde desSceaux, dont nous aurions attendu un rappel apaisé du sens de la peine et du travail carcéral, fait fi des objectifs de la peine affirmés dans l’article 707 du code de procédure pénale : la prévention de la récidive et la protection de la société, qui ne peuvent se départir de la réinsertion du condamné. Ces objectifs, en détention,passent par l’accès donné aux détenus à des dispositifs et activités variés, mis en œuvre par l’administration pénitentiaire et ses partenaires, leur permettant d’accroître leurs qualifications et compétences professionnelles, d’engager des réflexions sur leurs parcours personnels et leurs passages à l’acte, de remettre en question leurs schémas de pensée, de développer leur motivation au changement et ainsi, de s’amender.L’événement organisé à la maison d’arrêt de Fresnes s’inscrit clairement dans cette logique et nous déplorons cette polémique qui vise à le réduire à une farce au bénéfice de détenus injustement gâtés. Nos organisations continueront à soutenir ces actions collectives participant pleinement à donner son sens à la peine.

    Feignant de méconnaître l’investissement des acteurs de la réinsertion, tant dans la construction du projet sujet à financement, autorisation et vérification par la chancellerie, que dans sa réalisation et son aboutissement, le Ministre anéantit d’un tweet le travail réalisé par les conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation, surveillants, associations autour de la personne détenue pour lui permettre de retrouver du sens dans le lien social.

    Alors même que le rapport Sauvé confirme le cri d'alarme autour de la nécessité d'un mécanisme de régulation carcérale que nous appelons depuis bien trop longtemps de nos voeux, nous demandons au ministre et à ses équipes de concentrer leurs efforts sur ce chantier prioritaire pour mettre fin durablement à la surpopulation carcérale.

  • Refus de l'expertise pour risque grave: le SM saisit le TA de Paris !

    Le 25 janvier 2022 a été votée à l'unanimité des organisations syndicales du CHSCT ministériel une expertise pour le risque grave encouru par les agents du ministère et en particulier à la direction des services judiciaires. Malgré un constat soi-disant partagé, et l'adhésion inédite des magistrats et fonctionnaires de greffe à  la "tribune des 3000", le ministre de la justice, représenté par sa secrétaire générale, a refusé la mise en œuvre de cette expertise, attendant la fin du délai imparti pour répondre à la demande.
     
    Le recours gracieux a également été rejeté.
     
    C'est la raison pour laquelle, alors que la situation est loin de s'améliorer, qu'une tentative de suicide d'un greffier stagiaire a eu lieu entre temps et que les arrêts de travail pour épuisement professionnel continuent de se multiplier, un recours a été engagé devant le tribunal administratif de Paris par le CHSCT M, plusieurs organisations syndicales (SM, CGT, UNSA, CFDT) et des membres du CHSCT M pour obtenir l'annulation de ces décisions.

    CP recours TA contre refus expertise risque grave () Voir la fiche du document

     

     
  • Blouses blanches et robes noires s’unissent pour la défense de nos services publics

    Le vendredi 10 juin à 7h30, blouses blanches et robes noires, représentées par le Collectif inter-hôpitaux, le Collectif inter-urgences, le Syndicat des avocats de France et le Syndicat de la magistrature, se sont unies pour réveiller la cour des comptes et défendre nos services publics !

  • Appel à la mobilisation pour un monde d’égalité, un monde de paix !

    Communiqué de presse commun CGT, FSU, Solidaires, SAF, SM, UNEF, MNL et Voix lycéenne pour la journée du 17 mai 2022.

  • La Cour de cassation s’incline devant les « barèmes Macron » Qui va sauver le droit du travail ?

    Par deux arrêts du 11 mai 2022, la chambre sociale de la Cour de cassation s’est inclinée devant l’ordonnance du 22 septembre 2017, prévoyant un barème d’indemnisation des salarié.e.s victimes d’un licenciement injustifié. La Cour a ainsi censuré des juridictions qui avaient choisi, en vertu du droit international et européen, d’écarter ce barème lorsque cette indemnisation plafonnée ne pouvait pas offrir de réparation adéquate au salarié licencié abusivement.

  • Appels à manifestations de policiers du 2 mai : l’État de droit encore pris pour cible

    Fidèle à sa doctrine selon laquelle « le problème de la police, c’est la justice », ainsi que l’avait déclaré son secrétaire général l’année dernière au cours d’une manifestation de policiers, le syndicat Alliance police, rejoint par l’UNSA Police et Synergie Officiers, appelle de nouveau à manifester contre une décision de justice qu’il qualifie d’inadmissible, estimant que le policier qui a mortellement tiré sur deux personnes est « victime du système judiciaire qui continue à rester l’ombre de lui-même ».

  • Macron II – Encore un quinquennat de recul des droits ?

    Communiqué de presse du Syndicat des avocats de France et du Syndicat de la magistrature du 29 avril 2022

  • Destruction des boîtes aux lettres sur plusieurs lieux de vie à Calais

    Le 6 avril, à Calais, 3 boîtes aux lettres installées pour défendre les lieux de survie des personnes exilées et stopper les expulsions illégales ont été détruites. Cet acte tend à empêcher de manière déloyale les personnes exilées de se défendre devant la justice face aux propriétaires des terrains en cas de requête en expulsion.

  • Enfermement des personnes étrangères en zones d'attente : le Conseil constitutionnel, un "juge" muet.

    Communiqué de presse du 25 mars 2022 signé par le Gisti, l'Anafé, le SAF, l'ADDE et le Syndicat de la magistrature.

  • La grande gabegie - Enquête sur la politique de ressources humaines du ministère de la Justice

    Incohérente, pathogène, inadaptée au fonctionnement des juridictions et indifférente au sort du justiciable.

  • Etats généraux de la justice : après le vernis démocratique, place au vernis scientifique !

    Comme nous pouvions nous y attendre et l'avions largement anticipé (voir notre CP sur l'ouverture des états généraux et notre analyse des questionnaires de la plate-forme parlonsjustice), les états généraux de la justice se présentent de plus en plus comme une vaste opération de communication au service des orientations de la majorité gouvernementale.

    Les synthèses des contributions individuelles et collectives qui ont été mise en ligne la semaine dernière (consultables ici) en sont encore une belle illustration. Ces synthèses ont été élaborées par un groupe de prestataires privés, principalement bluenove, ayant utilisé un algorithme pour exploiter les réponses aux questions ouvertes. Sous le vernis scientifique et méthodologique mis en avant en début de synthèse, des biais importants apparaissent, résultant d'une part des questions posées (c'est ainsi que l'on apprend - oh surprise - que près de 68% des citoyens répondants ont répondu oui à la question "Dans la dernière enquête de l'institut CSA 68% des Français considèrent que la justice est laxiste, êtes-vous d'accord ?"), mais également de la manière dont ces réponses sont ensuite classées en thématiques. C'est par cet artifice que la simplification des procédures apparaît comme le principal enjeu pour les magistrats et agents du ministère, alors que l'analyse détaillée démontre que la thématique des moyens - opportunément subdivisée en plusieurs sous-thématiques, la supplante largement. 

    La synthèse des contributions collectives est quant à elle inexploitable, le prestataire s'étant contenté de regrouper sous des thématiques extrêmement larges des propositions parfois totalement contradictoires entre elles, sans préciser d'ailleurs comment ont été choisis les exemples mis en avant parmi les multiples contributions. 

    Néanmoins, l'intérêt principal de l'exploitation de ces questionnaires individuels, malgré les artifices méthodologiques, est que le prestataire ne peut faire autrement que de conclure : Agents, magistrats et partenaires s’accordent “incroyablement (en comparaison avec des exercices de consultation équivalents)” pour évoquer les moyens comme levier pour accélérer les décisions de justice” (p. 89). La synthèse des "ateliers délibératifs" parvient d'ailleurs à cette même conclusion, la question de l'augmentation des moyens humains, matériels et financiers s'étant imposée comme le préalable nécessaire à toutes les recommandations exprimées.

    Est-ce face à ces constats et dans la crainte des conclusions du rapport final que le président de la République a opportunément accepté que ledit rapport ne soit rendu qu'après les élections présidentielles ?

    Nous considérons pour notre part que ce délai supplémentaire d'un mois ne permet nullement de parvenir à ce que nous avions sollicité auprès du comité indépendant, à savoir un affranchissement du calendrier imposé suffisamment long pour permettre de véritables consultations et l'imposition par le comité de sa propre méthodologie. 

    Vous trouverez ci-dessous notre communiqué de presse.

    CP EGJ, vernis scientifique () Voir la fiche du document

  • L’extension du domaine de l’amende forfaitaire délictuelle, une bascule irresponsable et des plus dangereuses

    Communiqué de presse commun à la suite de l'annonce par le Président de la République de la généralisation de l'amende forfaitaire délictuelle à l'ensemble des délits punis d'un an d'emprisonnement.

    Organisations signataires : AGRRR, AIDES, Association nationale des Gens du voyages citoyens (ANGVC), (Association sociale nationale internationale des Tziganes (ASNIT), Asud, Fnasat-Gens du Voyage, Ligue des droits de l’Homme (LDH), Médecins du monde, Police contre la prohibition, Principes actifs, SOS addictions, Syndicat des avocats de France (SAF), Syndicat de la Magistrature (SM), Union syndicale Solidaires.

     

    A Nice, dans un contexte de surenchère sécuritaire et populiste, Emmanuel Macron, candidat à sa réélection, a présenté ses propositions sur la sécurité.

    Parmi elles, figure la généralisation des amendes forfaitaires délictuelles (AFD) pour les délits sanctionnés par des peines inférieures à un an de prison.

    Pourtant, les remontées des pratiques du recours à l’AFD démentent l’idée de simplicité et bafouent l’objectif de bonne administration de la justice que lui avait assigné le Conseil constitutionnel. 

    Ainsi,

    • Le conseil des ministres du 13 janvier s’est réjoui de la délivrance en 2021 de 106 000 AFD (plus de 97% concernent le cannabis) pour usage de stupéfiants sans aucun examen de l’impact réel sur le phénomène social et sanitaire de l’usage des drogues. La France est le pays européen où la consommation de stupéfiants est la plus sévèrement réprimée et où le nombre de jeunes consommateurs est le plus élevé.

    • Après la généralisation de l’AFD pour l’usage de stupéfiants et les expérimentations en cours, pénalisant les occupations des parties communes d’immeuble et l’installation illicite de terrains par les Gens du voyage, d’autres infractions pourront faire l’objet de cette procédure. Le gouvernement vient même d’obtenir l’extension de cette AFD aux vols d’objets d’une valeur de moins de 300 euros ! Le choix de ce système centralisé et technocratique permet surtout de réprimer et de cibler toujours plus les publics des quartiers populaires, et plus généralement les personnes les plus vulnérabilisées,

    • La volonté affichée de multiplier les peines d’amendes prononcées continue à servir une « gouvernance par les nombres » en fixant des objectifs chiffrés aux forces de l’ordre, pour ensuite se glorifier de statistiques favorables avec un fort taux d’élucidation,

    • Sous couvert de simplification, on transfère les pouvoirs judiciaires entre les mains de la police et de la gendarmerie, ce qui comporte un risque de sanction arbitraire. C’est un acte de défiance envers l’autorité judiciaire, attentatoire à la séparation des pouvoirs et à l'état de droit, pour faire une politique du tout répressif.

    Finalement, ce nouveau prototype d'une pénalisation automatique, sans contact humain, sans recours effectif à un juge, sans accès à la défense produit une érosion supplémentaire du sens de la justice et un sentiment d'injustice aux personnes ainsi réprimées. 

    Cela contribue d’autant plus à détériorer les relations entre la police et la population ainsi que la confiance dans les institutions de la République.

    L’effet d’annonce flatte incontestablement un certain électorat mais il révèle une conception irresponsable d’une politique pénale tout autant que celle en matière d’usage de drogues ou d’accueil des Gens du voyage.

    Nos organisations demandent, au contraire, que ces politiques soient réfléchies sereinement et tiennent compte de toutes les études scientifiques, sociologiques et criminologiques sérieuses. Elles doivent aussi prendre en compte les droits des personnes concernées, comme le droit à la santé, ou à l’accueil digne et à l’habitat adapté pour les Gens du voyage…

    Elles demandent la suppression de cette procédure inéquitable et arbitraire.

     

    CP Amende forfaitaire  () Voir la fiche du document

     
  • Moyens des juridictions : la mauvaise foi à tous les étages

    Lors de la conférence de presse du garde des Sceaux du 13 décembre, outre des graphiques amusants, a été présentée la synthèse d’un rapport de l’Inspection générale de la justice sur les stocks dont une des conclusions mises en avant, devenue les jours suivants un gimmick dans la bouche du ministre, était la suivante : « L’insuffisance des moyens est à l’origine de seulement 10 % des stocks en appel et 31,8 % en première instance. Le reste s’explique par la persistance d’un historique de stock, vieux de plus de quinze ans, qui se répercute d’année en année ».

    Ce rapport sorti du chapeau, que découvrent les organisations professionnelles, nous a été adressé dans sa version finale par le directeur des services judiciaires le 22 décembre. Il est précédé de deux rapports intermédiaires. 

    C’est dans le second rapport intermédiaire qu’il est possible d’analyser par quel calcul farfelu, mais néanmoins scandaleux, la chancellerie affirme aujourd’hui, pour faire vite, que le manque de moyens n’est responsable que de 30% des stocks : en analysant le taux de couverture, c’est à dire la différence entre le flux sortant et le flux entrant, il est considéré qu’il n’existe pas de problème de moyens lorsque ces flux correspondent, c’est à dire que les juridictions parviennent à traiter autant d’affaires dans une année qu’il en rentre. L’unique problème serait donc un stock ancien se répercutant d’année en année. 

    Ainsi donc, lorsque les greffiers font des heures supplémentaires non payées car dépassant les plafonds, lorsque les magistrats travaillent le soir, le week-end, posent des congés pour rédiger leurs décisions, renoncent à leurs formations, terminent leurs audiences dans la nuit : tout va bien, car à ce prix, les juridictions arrivent à traiter les affaires qui entrent dans l’année. De même, quand certaines décisions sont rendues, en toute illégalité sans audience, quand les peines de prison ne sont plus motivées, quand les juges aux affaires familiales n’ont plus le temps d’entendre les parties, quand les fonctionnaires de greffe ne peuvent plus répondre au téléphone ou recevoir les avocats : tout va bien, et tant pis pour la souffrance éthique qui en résulte. Il n’y a définitivement aucun problème de moyens. 

    Voilà qui devrait définitivement motiver les magistrats et greffiers à cesser de consentir des sacrifices personnels quotidiens : dans certaines juridictions, il a déjà été décidé de ne plus réaliser certaines tâches jugées moins essentielles, et de fixer un horaire limite pour les audiences. 

    Ces décisions ne peuvent manifestement venir que du terrain : le ministre de la justice, tout occupé à préparer un « powerpoint » de 56 pages pour sa conférence de presse du 13 décembre, n’a en revanche pas eu le temps de se renseigner pour savoir si les magistrats et greffiers terminent bien leurs audiences tard le soir ou dans la nuit - une réalité qu’il feint de ne pas connaître. A notre courrier lui demandant de prendre une circulaire s’appliquant immédiatement pour fixer les fins d’audience à 21h, il se permet de répondre qu’il va d’abord documenter la question. Cette vérification est non seulement une injure pour l’ensemble des professionnels, la chancellerie ne pouvant ignorer la réalité, mais encore une nouvelle manifestation de mauvaise foi : à supposer qu’il n’existe pas de problème d’audiences tardives, qu’est ce que cela coûte de prendre une circulaire pour en fixer la fin à 21h maximum ? 

    D’un autre passage extraordinaire du rapport, on retiendra que les petites juridictions sont dans la ligne de mire, leur « fragilité structurelle » étant mise en avant dans le sommaire du rapport. Le rapport objective-t-il des problèmes ontologiquement attachés à la taille de ces juridictions ? Aucunement. Le corps des développements sur ce point se limite à l’observation selon laquelle les plus petites juridictions, décrites comme plus « agiles » que les grandes pour s’adapter aux difficultés, par exemple pendant la crise sanitaire, peuvent être déstabilisées dès lors que certains postes sont vacants. Mais c’est bien sûr, plutôt que de les pourvoir en moyens adaptés aux besoins, supprimons-les ! C’est d’ailleurs très sérieusement ce qui découle du rapport, qui fait figurer la petite taille de ces juridictions dans les causes de rigidités expliquant la constitution de stocks…

    Dans un tel contexte, seule la poursuite de notre mobilisation collective est de nature à ramener à la raison une chancellerie qui a définitivement perdu tout sens commun et s’obstine à détourner l’attention du noeud du problème : donner à la justice les moyens décents pour exercer sa mission.

     

    CP rapports stocks () Voir la fiche du document