[Communiqué de presse] Circulaire sur les étrangers détenus : Magistrats, ne devenons pas des préfets !
Publié le 24 mars 2025
Vider les prisons en expulsant les détenus qui n’ont pas la nationalité française vers « leur » pays.
C’est au nom de cette idée aussi inique que fallacieuse que Gérald Darmanin a adressé, vendredi 21 mars, une circulaire aux magistrats et annoncé ce jour, dans le JDD, la création d’une « mission » chargée d’identifier les détenus étrangers et de coordonner leur « prise en charge ».
Sous couvert de remédier à la surpopulation carcérale, le ministre enjoint l’administration pénitentiaire et le parquet à utiliser « tous » les leviers permettant l’éloignement des personnes étrangères condamnées et incarcérées, quand bien même elles purgeraient des peines pour des faits sans gravité particulière.
Sollicitant la « mobilisation totale » du personnel judiciaire, il appelle les procureurs à faire procéder à des prises d’empreinte par la force ainsi qu’à requérir systématiquement des libérations conditionnelles dites « expulsion ».
Les parquetiers sont aussi sommés d’employer leur temps à dresser des listes de détenus dépourvus de la nationalité française afin d’actualiser leurs fichiers partagés avec les préfectures, plutôt, par exemple, que de s’intéresser aux parcours d’exécution de peine des détenus en ayant le plus besoin.
Plus grave encore, il demande aux agents des SPIP de « prioriser » les situations à porter à la connaissance des juges de l’application des peines pour la mise en œuvre des mesures d’éloignement du territoire national des étrangers incarcérés et d’échanger au maximum avec la préfecture ; autrement dit, d’orienter le travail des juges pour le focaliser sur ces situations.
Inadmissible enfin, Gérald Darmanin outrepasse totalement sa fonction de garde des Sceaux en adressant une invite aux airs d’instruction, aux magistrats du siège : « conformément au protocole (...), le juge de l'application des peines pourra contacter le préfet dans le cadre de l’instruction d'une requête en aménagement de peines ». En suggérant aux juges de prioriser une mission qui n’a strictement rien à voir avec leur office – favoriser la réinsertion de tous les condamnés en vue de prévenir la récidive – il les inclut parmi les exécutants de sa politique.
En chiffrant le nombre de « personnes étrangères » dans les prisons françaises, – mais de quels « étrangers » parle-t-on, au juste ? – Gérald Darmanin présente celles-ci comme une simple variable d’ajustement de la surpopulation carcérale. Il alimente par là un discours sous-tendu par des thèses xénophobes et empreintes de racisme, qui gagne une part grandissant de la classe politique, comme en attestent les débats relatifs à l’interdiction pour les personnes sans papier de se marier en France ou encore les attaques contre le droit du sol à Mayotte.
Pour désengorger les prisons, il faudrait pourtant surtout cesser d'incarcérer massivement pour des faits de moindre gravité. A rebours de cela, la stratégie est claire : forcer l’alignement des pratiques judiciaires sur les pratiques préfectorales, en privilégiant la démagogie, quitte à saper l’indépendance de la justice.
Quitte, aussi, à abandonner les valeurs fondamentales que d’autres pays ont, fut un temps, enviées au nôtre. Cette époque est très manifestement révolue.