[Communiqué de presse] Loi narcotrafic : une somme vertigineuse de renoncements
Publié le 2 avril 2025
La proposition de loi « Sortir la France du piège du narcotrafic » a été votée devant l’assemblée nationale dans la nuit du 1er au 2 avril 2025, retenant des mesures hautement corrosives pour les droits et les libertés, et à l’efficacité douteuse pour la lutte contre la criminalité organisée.
Régime carcéral d’une sévérité extrême, expulsions locatives par le préfet, renseignement algorithmique, activation à distance des appareils électroniques, allongement des durées de garde-à-vue, procès-verbal distinct (dossier coffre), extension des délais de détention provisoire, systématisation de la visioconférence… Après un an de débats public et parlementaire, la lutte contre le mal nommé « narcotrafic » a permis de banaliser le démantèlement de la procédure pénale, sa cohérence interne, ses équilibres fondateurs, ainsi que l’affaiblissement de principes essentiels, tels que les droits de la défense et l’accès au juge.
Un réel projet de lutte contre la criminalité organisée et le « haut du spectre » aurait certes proposé des outils de coordination de l’action publique et de coopération internationale, la refonte du régime des repentis et le renforcement des dispositifs de la lutte contre le blanchiment et les risques de corruption. Mais il aurait surtout conféré plus de moyens à la justice, aux services financiers, à TRACFIN, à l’AGRASC, abrogé la réforme de la police judiciaire et formé en nombres des enquêteurs et des assistants spécialisés pour se concentrer sur les saisies et confiscations.
Au lieu de cela, mois après mois, calqué sur le modèle du « terroriste », les discours politiques et médiatiques sont venus ériger une figure renouvelée d’ennemi intérieur à travers l’image du « narcotrafiquant ». En martelant la fable simplificatrice d’un « continuum » de responsabilités allant des consommateurs-revendeurs aux têtes de réseaux mafieux – tous placés sur le même plan – l’exécutif a fait émerger un dangereux et fallacieux régime d’évidence : désagréger l’État de droit ne serait rien comparé au péril qui guette notre pays.
En résultent un petit pas pour la lutte contre la criminalité organisée mais une somme aussi effrayante que désastreuse de renoncements, dans l’indifférence quasi-générale, aussi bien pour les droits et libertés du plus grand nombre, que pour les conditions de travail des magistrats.
Le Syndicat de la magistrature poursuivra son combat contre les effets de ce texte gravement déséquilibré.
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