Monsieur le garde des Sceaux,

Nous avons appris hier avec stupéfaction que votre directeur de cabinet et deux de vos conseillers avaient reçu la veille au soir, longuement, des représentants de l’Union syndicale des magistrats au sujet du projet de loi « sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs ».

Cette conception unilatérale et discriminatoire de la « concertation » est injustifiable.

Certes, il semble que l’USM ait insisté pour obtenir cet entretien in extremis dans le but de recueillir et de diffuser en exclusivité des informations sur le contenu du texte.

Nous vous épargnerons le rappel du nombre de fois où nous avons essuyé des refus d’audience sur des sujets dont nous avions saisi votre directeur de cabinet, déjà en fonction auprès de votre prédécesseur.

Quoi qu’il en soit, à partir du moment où un rendez-vous était accordé à l’USM sur ce projet qui constitue manifestement une priorité pour votre ministère, il était indispensable que votre cabinet propose également aux deux autres organisations syndicales représentatives des magistrats de les recevoir dans les mêmes conditions.

En omettant sciemment de le faire, il a fait preuve d’une partialité inexcusable.

Mais peut-être le départ de l’USM de la coordination réunissant les organisations de professionnels de la justice et sa participation annoncée au fameux groupe de travail constitué après l’affaire de Pornic méritaient-ils, dans l’esprit de M. Mollins, une gratification symbolique...

Plus généralement, nous dénonçons depuis longtemps l’absence totale de concertation dans l’élaboration des projets de lois au ministère de la justice.

S’agissant du texte que vous avez présenté hier en conseil des ministres, la méthode est emblématique. Le bureau national du Syndicat de la magistrature a été reçu une heure le 16 décembre 2010 par un conseiller de votre cabinet qui était dans l’incapacité totale de tracer la moindre perspective sur son contenu.

Depuis lors, nous n’avons plus été sollicités à aucun stade de l’élaboration ou de la finalisation de ce projet de loi...

Hier, nous avons dû insister auprès de votre cabinet pour que le texte définitif soit communiqué aux trois organisations syndicales de magistrats et ce, alors même que les médias se faisaient largement l’écho de ses principales dispositions depuis quelques jours.

Nous ne sommes pas dupes du subterfuge que constitue la création incessante de groupes de travail sur des thématiques diverses auxquels les syndicats sont invités, tandis que l’essentiel – et notamment les projets de lois - se discute en d’autres instances dont ils sont systématiquement exclus.

Le Syndicat de la magistrature s’élève solennellement contre la conception aberrante de la concertation qui prévaut au sein de votre ministère.
Afin que nos collègues en soient parfaitement informés et qu’ils puissent mesurer le traitement réservé à certaines organisations syndicales, nous leur diffusons le présent courrier.

Nous vous prions d’agréer, Monsieur le ministre, l’expression de notre détermination respectueuse.

Pour le Syndicat de la magistrature,

Clarisse Taron, présidente