Observations développées devant la mission d'information de la commission des lois de l'Assemblée nationale

Quel bilan dressez-vous, de manière générale, de la mise en œuvre de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France ? Quel bilan dressez-vous, plus précisément, de la mise en œuvre de la réforme du régime contentieux de la rétention administrative, ayant transféré du tribunal administratif au juge des libertés et de la détention (JLD) le contrôle de la légalité de la décision administrative de placement en rétention ?
Le Syndicat de la magistrature se félicite que la loi transfère le contrôle de légalité de la décision administrative de placement en rétention au JLD, en cohérence avec le rôle de gardien de la liberté individuelle du juge judiciaire.
Mais le contrôle demeure incomplet : le juge peut lever la rétention mais il n’est pas en mesure de l’annuler. Le texte ne précise pas l’étendue de son office, disant seulement que c’est devant lui que la décision peut être contestée alors que la formule est « demander l’annulation » pour les autres mesures qui peuvent être contestées devant le juge administratif. Or, ce qui est transféré au juge judiciaire avec cette réforme, c’est le contrôle de légalité de la mesure en plus du contrôle de proportionnalité.
La décision de placement en rétention ne peut être contestée que devant le juge des libertés et de la détention, dans un délai de quarante-huit heures à compter de sa notification, suivant la procédure prévue à la section 1 du chapitre II du titre V du présent livre et dans une audience commune aux deux procédures, sur lesquelles le juge statue par ordonnance unique lorsqu'il est également saisi aux fins de prolongation de la rétention en application de l'article L. 552-1.
Il est souhaitable, en appliquant la doctrine des blocs de compétences validée par le Conseil constitutionnel depuis la fin des années 80, de permettre au juge judiciaire d’annuler la décision, afin que l’ensemble des conséquences juridiques de l’illégalité de la mesure puisse être tirées de la décision du juge, comme par exemple une indemnisation éventuelle, et le fait que la décision de placement en rétention n’apparaisse plus par la suite dans le dossier de l’étranger.
Le texte pose l’assignation à résidence comme étant le principe. Mais les conditions posées pour le prononcé de cette mesure étant trop restrictives, ce principe demeure une déclaration d’intention. Tant que le CESEDA prévoira que l’assignation à résidence n’est possible que lorsque l’étranger remet au préfet son passeport ou ses documents de voyage en original, cela restreindra de fait le périmètre juridique de l’assignation à résidence à une très petite minorité de dossiers. Les préfectures elles-mêmes prononcent des assignations à résidence sans remise de passeport en original tant ce cas de figure est rare.
Il conviendrait d’assouplir le régime des conditions posées pour l’assignation à résidence en cohérence avec le fait d’en faire la mesure de principe.
Enfin, l’application du texte a entrainé un certain nombre de difficultés pratiques pour les JLD. Le délai de 24 heures pour statuer est très court, d’autant que dans beaucoup de juridictions, un seul JLD est chargé chaque jour de statuer à la fois sur ce contentieux, sur celui de la détention provisoire et des placements en hospitalisation d’office, sans oublier les compétences de plus en plus larges attribuées à ce juge pour autoriser des actes d’enquête.
Il conviendrait de donner au JLD un délai de 48 h pour statuer ce qui permettrait du même coup d’éviter, lorsque le recours a eu lieu pendant les premières 24h, alors que le préfet n’a saisi pour prolongation qu’après les premières 24h, et inversement, d’organiser deux audiences deux jours de suite, l’une sur le recours, l’autre sur la prolongation. Cette réforme serait cohérente avec le texte lui-même qui recommande dans la mesure du possible de statuer sur ces deux instances au cours d’une seule audience.
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L'intégralité des observations est à télécharger en pièce jointe.

Observations sur l'application de la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers (124.54 KB) Voir la fiche du document