Madame la garde des Sceaux,

 

 


La loi du 10 mars 2010 « tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale », dont le Syndicat de la magistrature avait dénoncé à l’époque l’inspiration sécuritaire[1], a notamment créé un énième fichier intitulé « répertoire des données à caractère personnel collectées dans le cadre des procédures judiciaires » (REDEX).

 

 


Ce fichier, accessible aux autorités judiciaires, est destiné à regrouper les expertises, évaluations et examens psychiatriques, médico-psychologiques, psychologiques et pluridisciplinaires ordonnés à l’encontre de toute personne poursuivie ou condamnée pour une infraction pour laquelle un suivi socio-judiciaire est encouru.

 

 


Le Syndicat de la magistrature, dans ses observations sur le projet de loi, avait fortement critiqué la création de ce fichier, essentiellement défini comme servant à évaluer « la dangerosité », concept éminemment contestable, et comportant des données relatives à des personnes seulement poursuivies avec comme unique garantie un – hypothétique – effacement en cas de non-lieu, relaxe ou acquittement.

 

 


Nous avions de même regretté que des dispositions importantes – telles les modalités de fonctionnement du répertoire, de conservation et d’effacement des données – soient déterminées ultérieurement par décret et que l’avis de la CNIL soit retardé et cantonné audit décret alors qu’il s’agissait d’un ficher regroupant des informations relevant de la vie privée.

 

 


Notre inquiétude était malheureusement fondée puisque le processus conduisant à la consultation de la CNIL et à la publication du décret a visiblement pris un retard important, et ce alors que, dès l’été 2012, l’expérimentation a commencé au sein de la Cour d’appel de Rennes comme cela résulte d’une note de la Direction des affaires criminelles et des grâces du 2 juillet 2012.

 

 


En février 2012, il avait été indiqué par le ministère de la justice, à un député s’inquiétant de l’élaboration de ce décret, que le projet serait présenté à la CNIL puis au Conseil d’Etat au cours du premier semestre 2012 et qu’une expérimentation du fichier serait menée postérieurement dans quelques juridictions, soit durant le dernier trimestre 2012, avant une installation généralisée début 2013. Dans l’annexe jointe à la note de la DACG, il était également précisé que le déploiement du REDEX sur le territoire national aurait lieu au cours du premier trimestre 2013 après décret en Conseil d’Etat et avis de la CNIL.

 

 


Or, à la veille de l’installation de ce fichier et alors qu’une application locale est d’ores et déjà en cours, ce fameux décret, ainsi que l’avis de la CNIL, restent introuvables. Sans exclure la possibilité que ces textes soient passés inaperçus dans le maquis réglementaire actuel, nous nous inquiétons de la mise en place de cette banque de données personnelles en l’absence de ces garanties minimales quant au respect des droits des personnes concernées.

 

Nous vous remercions, Madame la garde des Sceaux, de bien vouloir nous apporter les précisions qui s’imposent à ce sujet.

 

 

Nous vous prions de croire, Madame la garde des Sceaux, en l’assurance de notre haute considération.

 

Pour le Syndicat de la magistrature


Matthieu Bonduelle, président 

 


[1] Observations relatives au projet de loi tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale