La centralisation du traitement des affaires terroristes à Paris, qui fonde l’architecture antiterroriste actuelle, aboutit à confier à 14 magistrats du parquet de Paris et 11 juges d’instruction parisiens l’ensemble du contentieux susceptible de recevoir une qualification terroriste, à l’exception de certaines infractions, pour lesquelles la compétence est généralement exercée par les juridictions locales malgré l’existence d’une compétence nationale concurrente (apologie et provocation au terrorisme, infractions pénales en détention ou évasion commises par des personnes prévenues ou condamnées pour des actes de terrorisme).
Ce système est vanté pour son efficacité: il allie une grande spécialisation, une connaissance des services d’enquêtes nationaux, des capacités de communication en interne, et il se double d’une capacité de mobilisation importante en cas d’attentat de grande ampleur en région parisienne, en sollicitant des magistrats hors de la section en charge de ce contentieux, dite « C1 ». Toutefois, ce système n’est pas sans défauts, qui sont précisément le pendant de ses avantages.
Le principal défaut de l’organisation actuelle est sa centralisation absolue, qui produit les conditions d’un fonctionnement en vase clos avec les services de renseignement et d’enquête à compétence nationale, préjudiciable au contrôle que doit exercer l’autorité judiciaire sur les enquêtes. Cette question est d’autant plus sensible que la très grande majorité des affaires porte sur des faits d’association de malfaiteurs à visée terroriste ou des infractions dites «de soutien» au terrorisme, comportant une forte dimension d’anticipation. En 2008, un rapport de l’organisation Human Rights Watch mettait en garde contre les effets produits par la centralisation dans ce contexte, notamment via l’intégration – assumée par certains de ses acteurs – par l’autorité judiciaire des pratiques policières de « déstabilisation » des réseaux, s’éloignant de l’interprétation stricte du droit pénal et des logiques de la procédure pénale. Ce risque demeure aujourd’hui, la proximité avec les services, doublée d’un sentiment de responsabilité morale très pesant, pouvant favoriser des pratiques de « précaution ».
Autre défaut majeur : la concentration des procédures sur un échelon national prive les acteurs – de l’enquête au jugement et jusqu’au stade de l’application des peines – de la connaissance des terrains locaux, malgré l’ancrage local de certains réseaux, tout en créant un risque d’engorgement.
De fait, les évolutions du contentieux rendent ce risque d’engorgement plus prégnant et les lignes initialement claires de répartition des compétences entre la section C1 du parquet de Paris et les parquets locaux se font plus floues aujourd’hui. Face à une masse plus importante de judiciarisation des affaires, la compétence territoriale est privilégiée pour certaines enquêtes pour lesquelles un doute existe véritablement quant à une possible qualification terroriste.
La conséquence est la suivante : les juridictions locales ont une pratique réduite, malgré la présence de référents locaux dans les parquets. Quand des poursuites pénales sont décidées sur le plan local, pour des faits d’apologie ou de provocation, les condamnations sont souvent démesurément lourdes, nuisant à l’harmonisation nationale dès lors que la différence de répression – en terme de quantum – entre ces faits et des faits véritables d’associations de malfaiteurs s’amenuise. Cette sévérité relative des juridictions peut s’expliquer en partie par un manque de pratique. A l’inverse, sauf à devenir une juridiction mastodonte, Paris n’apparaît pas en capacité de tout absorber.
Toutefois, la création d’un PNAT reviendrait seulement à détacher du parquet de Paris son actuelle section C1, sans rien changer d’autre, et donc sans apporter aucune réponse aux défauts que présente l’organisation actuelle, mais en en créant d’autres :
- L’autonomisation du PNAT conduirait à déconnecter le parquet anti-terroriste de la seule juridiction avec laquelle il entretient véritablement des relations.
- La séparation priverait l’autorité judiciaire de la possibilité de mobiliser les effectifs du parquet de Paris en cas d’attentat majeur. (...)
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