Formation/recrutement des magistrats

Dans la nuit de vendredi à samedi - hasard du calendrier ? - la publication au journal officiel de deux arrêtés du ministre de la Justice aurait pu passer inaperçue : ceux fixant les places offertes aux différents concours d’accès à la magistrature pour l’année 2021.

Alors que le garde des Sceaux se vante d’un budget « historique », « arraché avec les dents », les recrutements de magistrats diminuent de manière notable. Ainsi, pour les trois concours d’accès à l’ENM, les places sont fixées à 150 pour le premier concours, 35 pour le deuxième et 10 pour le troisième contre 192, 45 et 13 les deux années précédentes. Alors que les promotions d’auditeurs étaient supérieures à 300 depuis plusieurs années (371 en 2016, 345 en 2017, 356 en 2018, 309 en 2019, 297 en 2020, environ 330 en 2021), elle devrait revenir à 260 si la DSJ ne vient pas limiter les recrutements de la CAV comme ce fut le cas en 2019. Par ailleurs, le nombre de places offertes au titre du concours complémentaire diminue également sensiblement (40 places contre 80 en 2018 et 2019), alors pourtant qu’en 2020, il n’y a eu aucun recrutement sur ce fondement.

La formation étant de 31 mois pour les candidats aux trois premiers concours, le gouvernement inscrit cette baisse des recrutements dans le moyen terme. Alors même qu’avec des promotions plus importantes, le nombre de postes créés est déjà nettement inférieur en 2021 (50 postes) par rapport à 2020 (100 postes), une telle diminution démontre le manque d’ambition de ce gouvernement pour la justice dans les années à venir. Ce n’est certainement pas à ce rythme que la France se mettra à niveau par rapport à ses homologues européens : avec un solde positif de 50 nouveaux magistrats par an, comme ce fut le cas cette année, il faudrait plus de 150 ans à la France pour rejoindre la médiane des Etats du Conseil de l’Europe.

Ces chiffres sont la démonstration, s’il en fallait encore une, d’un refus de prendre en compte les réels besoins des juridictions, seuls des recrutements de contractuels, sans formation préalable et en contrats à durée déterminée, étant (bruyamment) octroyés.

Pour prendre en compte les besoins de la Justice, encore faudrait-il les évaluer : après le début d’un travail prometteur engagé en début d’année 2020 avec la chancellerie pour élaborer enfin des outils à cette fin, devant l’avis favorable unanime de toutes les organisations professionnelles en octobre dernier, concernant la fonction parquet, pour utiliser un référentiel finalisé faisant consensus pour déterminer la charge réelle des magistrats du ministère public, la direction des services judiciaires se braque et cherche une fois de plus un échappatoire permettant de casser le thermomètre.

Nous ne sommes pas dupes devant le discours d’un ministre qui prétend restaurer la confiance des citoyens dans la Justice à travers une énième réforme législative boursouflée de mesures gestionnaires et d’affichage politique. Chacun doit maintenant prendre la mesure de l’asphyxie de la Justice : les professionnels de justice n’aspirent qu’à pouvoir remplir enfin leur office dans des conditions et délais satisfaisants pour les justiciables.

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