Indépendance et service public de la justice

Paris, le 4 décembre 2023

 

Ne pas se pourvoir est un acte politique

Communiqué sur l’épilogue de l’affaire « Dupond-Moretti »

Ce matin, le procureur général près la Cour de cassation a annoncé qu’il s’abstiendrait d’exercer un pourvoi en cassation contre la décision de relaxe rendue le 29 novembre 2023 par la Cour de justice de la République (CJR) dans l’affaire « Dupond-Moretti » – du nom du ministre de la Justice qui était prévenu d’avoir commis, en qualité de ministre de la Justice, un délit pénal de prise illégale d’intérêts.

Alors même qu’il avait fermement soutenu l’accusation tout au long du procès, le procureur général près la Cour de cassation – le seul autorisé à former un pourvoi contre cette décision – a expliqué renoncer à cette voie de recours, en invoquant les raisons suivantes :

« Quelle que soit la décision de la Cour de cassation, il faudrait rejuger cette affaire, il faudrait réunir une nouvelle Cour de justice de la République »

Ce que nous en comprenons : Nul doute, pour le Procureur général, que le pourvoi aboutirait à une annulation de la décision de relaxe, avec renvoi devant la CJR autrement composée : un rejet du pourvoi ne nécessite effectivement pas de réunir une nouvelle Cour de justice de la République.

Le pourvoi conduirait à une « procédure extrêmement lourde, avec un résultat qui serait, au final, sûrement aléatoire »

Ce que nous en comprenons : Selon le Procureur général, la CJR, même autrement composée, même après une décision de l’assemblée plénière de la Cour de cassation, pourrait de nouveau s’affranchir de la jurisprudence constante de la Cour de cassation concernant le délit de prise illégale d’intérêts. Alors à quoi bon se battre pour l’application de la règle de droit ?

La situation a « créé un climat difficile et extrêmement tendu dans la relation entre les magistrats et le ministre. Il faut y mettre un terme. » […] « Nous avons beaucoup à faire dans les mois à venir »

Ce que nous en comprenons : Alors que les causes premières de ces tensions sont les actes du ministre de la Justice, c’est l’autorité judiciaire qui décide d’y mettre fin, et à quel prix ? Faire abstraction de la règle de droit pour ménager ses relations avec le pouvoir exécutif.

 

C’est une décision « strictement judiciaire », sans doute, puisqu’elle émane de l’autorité judiciaire.

C’est une décision « d’apaisement », peut-être, et finalement pourquoi pas ?

Mais y avait-il décision plus « politique » ?

 

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