Lettre à la Directrice des services judiciaires

Le Syndicat de la magistrature


à


Madame la Directrice des services judiciaires






Madame la Directrice,



Le Syndicat de la magistrature a une nouvelle fois été alerté sur la situation du tribunal de grande instance de Cayenne. Comme vous le savez, cette juridiction est en grande difficulté depuis plusieurs années maintenant, au point qu'en 2009 les avocats avaient initié un vaste mouvement de protestation soutenu par les magistrats et les fonctionnaires. A l'époque, l’insuffisance criante des moyens, notamment en personnel, alloués à la juridiction avait été confirmée par un rapport d’inspection et dénoncée par les chefs de cour.

A ce jour, la situation de la juridiction ne s'est guère améliorée. Une cour d'appel a certes été créée à Cayenne mais elle n'existe toujours pas. Par ailleurs, des auditeurs de justice ont été affectés à Cayenne en sortie d'école mais leur arrivée s’est faite dans les pires conditions : cette année encore – en dépit de nos mises en garde - ils ont été nommés contre leur gré, malgré leur manque d'expérience et sans accompagnement effectif du ministère.

De même, le déficit de fonctionnaires reste un problème crucial et aucune nomination n'est programmée. Au contraire, à ce jour, cinq départs d'agents sont prévus pour seulement deux arrivées.

Dans ce contexte, l'atmosphère du tribunal est très pesante et les conditions de travail des fonctionnaires et, par conséquent, des magistrats s'aggravent chaque jour. Plusieurs collègues sont en arrêt maladie et ne peuvent plus faire face à leur charge de travail.

Vous connaissez parfaitement la question pour vous être déplacée en Guyane.

A cette occasion vous avez d’ailleurs promis aux fonctionnaires et aux magistrats des solutions « innovantes », l'une d'elles étant de créer une chambre détachée du tribunal à Saint Laurent du Maroni.

Un vice-procureur a accepté d'y remplir les fonctions du ministère public : cette collègue s'y retrouve aujourd'hui seule depuis plusieurs mois, sans personnel de greffe dédié (et semble-t-il sans espoir d'en voir nommer un) et dans des conditions de sécurité précaires. Malgré sa motivation et son dévouement, elle se trouve dans une impasse qui est pour elle cause de grandes difficultés. Nous vous avons d'ailleurs contactée oralement et par courriel pour évoquer sa situation.

Le vice-président qui devait l'accompagner à Saint Laurent du Maroni pour y remplir les fonctions de juge ne l'a jamais rejointe dans la mesure où aucun fonctionnaire ne lui a été affecté et où aucun logiciel ne peut être mis à sa disposition. Malgré l'engagement du cabinet du garde des Sceaux, aucun poste de fonctionnaire n'a été offert, ni en mutation, ni à la sortie de l'Ecole nationale des greffes.

Nous avons pourtant alerté la chancellerie à plusieurs reprises, la dernière fois par une lettre adressée au garde des Sceaux le 18 novembre 2010.

A l'heure où le ministère prétend s’engager dans la lutte contre la souffrance au travail, le Syndicat de la magistrature vous demande de tenir enfin compte de la spécificité et de la difficulté de l'exercice des fonctions judiciaires en Guyane et de doter le tribunal de grande instance de Cayenne des moyens humains et matériels à la mesure de cette exigence.

Nous vous prions d’agréer, Madame la Directrice, l’expression de notre considération distinguée.






Pour le syndicat de la magistrature,

Clarisse Taron, présidente