Dysfonctionnement à Nancy : le SM écrit au garde des Sceaux

Publié le Sept. 7, 2011

Transfert des extractions judiciaires au ministère de la justice : premiers incidents

Le 6 septembre 2011 à Nancy, une personne détenue a été mise en liberté parce qu'elle n'avait pas été "extraite" de la maison d'arrêt faute de personnels pénitentiaires suffisants.
Ce type de situation est appelé à se reproduire. Le Syndicat de la magistrature avait pourtant alerté le garde des Sceaux par un courrier du 25 mai dernier sur les graves dysfonctionnements qui allaient immanquablement découler d'un transfert de mission réalisé sans les moyens correspondants.
Compte tenu de cet incident, le Syndicat de la magistrature vient d'interpeller une nouvelle fois Michel Mercier par un courrier que vous trouverez ci-joint et ci-dessous.
Monsieur le garde des Sceaux,
La remise en liberté, hier après-midi à Nancy, d’une personne détenue qui n’avait pas été extraite de la maison d’arrêt faute de personnels pénitentiaires dédiés à cette tâche en nombre suffisant, illustre la gestion calamiteuse par votre ministère d’une réforme bâclée.
Le 30 septembre 2010 en effet, un arbitrage interministériel avait consacré le transfert du ministère de l’Intérieur à celui de la Justice des extractions judiciaires. Deux régions, l’Auvergne et la Lorraine, avaient été choisies comme lieux d’expérimentation à compter du 1er septembre 2011.
Dès le 25 mai dernier, nous vous avons écrit pour vous alerter sur les conséquences dramatiques qui allaient immanquablement découler des conditions dans lesquelles le transfert de charges s’organisait : seuls 800 agents étaient prévus à l’échéance de 2013 alors que la Cour des comptes estimait que 2000 agents étaient nécessaires à l’exécution de ces missions. Il était alors évident que la phase d’expérimentation ne pouvait que se dérouler de la pire des façons : absence de personnels pénitentiaires pour assurer les transfèrements, annulations d’actes judiciaires, retards dans l’exécution des réquisitions, ainsi que leurs conséquences procédurales telles que la remise en liberté que nous avons connue hier.
Sur ce dossier, vous n’avez jamais fait mystère de votre impuissance. Recevant le Syndicat de la magistrature le 16 juin dernier, vous affirmiez déjà être conscient que « ça n’allait pas marcher » mais vous vous contentiez d’annoncer que le dossier allait être « réétudié ».
Nous sommes aujourd’hui au regret de constater que votre incapacité à mettre en œuvre cette réforme a commencé à produire les conséquences désastreuses que nous annoncions naguère.
Il est inévitable que, dans les jours qui viennent, de nouveaux transfèrements ne puissent être exécutés par l’administration pénitentiaire, faute de moyens, avec les conséquences que vous pouvez déjà constater.
Nous souhaitons donc, une nouvelle fois, vous interpeller solennellement sur l’irresponsabilité manifestée par le pouvoir exécutif auquel vous appartenez qui, en privant la justice du minimum de moyens lui permettant de fonctionner décemment, prend le risque évident de voir se multiplier des dysfonctionnements tels que celui qui s’est produit hier.
Compte tenu du temps dont vous-même et votre prédécesseur aviez bénéficié pour préparer ce transfert de charges, nous considérons, quant à nous, que votre responsabilité est clairement engagée : nous ne pouvons nous résoudre à ce que les politiques publiques que vous conduisez fassent empirer encore une situation que l’asphyxie budgétaire obérait déjà gravement et qui aboutit à dégrader encore l’image de la justice.
Nous vous demandons en conséquence d’intervenir avec force pour obtenir au sein du gouvernement les arbitrages budgétaires nécessaires à un déblocage rapide de cette situation extrêmement préoccupante.
Nous vous prions d’agréer, Monsieur le garde des Sceaux, l’expression de notre parfaite considération.
Pour le Syndicat de la magistrature
Clarisse TARON, présidente
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