Si le budget de la Justice augmente de façon indéniable (+8% sur l'ensemble de la mission, +6,29% pour le programme justice judiciaire), ce constat est à relativiser, d'une part dès lors qu'il n'est pas propre à la Justice et concerne plusieurs ministères - en raison du contexte de crise sanitaire et de relance de l'économie - notamment le ministère de la Défense et de la Culture - et d'autre part en ce qu'il se maintient tout de même (très) en deçà des besoins et à un niveau proportionnellement très faible comparativement à d'autres pays européens. Une forte crainte demeure par ailleurs qu’il ne s’agisse en réalité que d’une avance prise par rapport à 2022, sans volonté de dépasser le budget global prévu initialement par la LPJ à cet horizon.


En outre, l'utilisation des crédits pose question, étant essentiellement concentrée dans le cadre de la justice "de proximité" sur le recrutement de personnels contractuels, donc précaires, au détriment d'emplois pérennes. En effet, en dépit de ce budget que le ministre qualifie "d'historique", le nombre de créations de postes de magistrats est en réalité inférieur à celui de l'an dernier (50 postes au lieu de 100) et les créations d'emplois de fonctionnaires de greffe sont également extrêmement réduites (130 postes évoqués par le ministre lors de sa présentation). Comme le ministre l'indique lui-même, les embauches massives de personnels contractuels pour les services judiciaires, toutes catégories confondues (soit 764 emplois dès 2020, outre 138 emplois sur les 318 prévus sur le budget 2021), ne sont que des "sucres rapides", qui ne résoudront nullement les manques de la justice sur le long terme, sans même parler des nombreuses difficultés pratiques qui risquent de fait d'empêcher l'utilisation complète de ces crédits. Surtout, l'essentiel de ces crédits supplémentaires sera destiné à renforcer le traitement pénal de la petite délinquance, au détriment de ce qui constitue véritablement à nos yeux la justice de proximité, à commencer par la justice civile, et particulièrement les anciens contentieux de l'instance, trop souvent oubliée.


Encore une fois, et bien que les services judiciaires soient mieux dotés que d'autres années, ce budget demeure centré sur le tout carcéral, l'administration pénitentiaire raflant ainsi la mise avec un budget en augmentation de 7,8% par rapport à 2020, qui représente 41% du budget général du ministère. Ceci sans pour autant qu'une réflexion sur la politique d'enfermement soit amorcée, ni que les moyens consacrés à la réinsertion ne soient prioritairement renforcés. Ainsi, la cible du taux d'occupation en maison d'arrêt et quartiers maison d'arrêt est fixée à 131% pour 2023, soit seulement 4 points de moins que pour 2020 alors que la crise sanitaire, qui a eu le mérite de permettre une libération importante de détenus (passage de 72 461 personnes détenues à 59 623 détenus en moyenne en MA/QMA), aurait dû être une première étape vers une véritable politique de régulation carcérale pour enfin permettre, a minima, l'encellulement individuel.


Enfin, un décalage entre l'affichage du ministère en matière numérique et l'indigence des équipements réels des juridictions en la matière existe toujours ce qui n'empêche pas le gouvernement de prévoir une baisse du budget alloué pour le plan de transformation numérique (qui passe de 176,6 à 114,4 millions). Les annonces concrètes faites, notamment les 10 000 PC portables pour 2021, sont par ailleurs un chiffre positif mais largement inférieur aux besoins, notamment pour le personnel de greffe, dont le sous-équipement massif a été éloquent durant le confinement.

 

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