1500 juges supplémentaires – c’est l’estimation des besoins faite par la conférence nationale des présidents de tribunaux judiciaires. Reconnaissons quelques mérites à l’estimation de la CNPTJ : contrairement au ministère, la CNPTJ n’estime pas que, concernant les magistrats, « le compte est presque bon ». Certains seraient tentés de s’en satisfaire tant l’urgence est grande dans les juridictions. Pour autant, nous craignons que cette estimation ne vienne graver dans le marbre nos renoncements quotidiens et ne nous permette pas d’améliorer durablement la qualité de la justice.

Sur la méthode, l’estimation de la CNPTJ présente un certain nombre d’atouts par rapport au système actuel. Alors que la chancellerie est devenue la championne de l’estimation au doigt mouillé, la CNPTJ se fonde sur un référentiel. Cela constitue un progrès dans la transparence, qui reste cependant imparfaite. Seuls les présidents de juridiction disposent des données statistiques permettant de déterminer les besoins en effectifs – nous ne le pouvons pas, pas plus que la chancellerie qui n’a que des données parcellaires. Par ailleurs, le détail des calculs effectués par la CNPTJ n’est pas disponible – étant relevé que le référentiel établi par la CNPTJ peut donner matière à interprétation. Il prête d’autant plus à discussion que, selon l’article du Monde, les présidents seraient partis des chiffres de l’année 2021 – année encore fortement marquée par la pandémie, pour établir leur référentiel.

Par ailleurs, l’estimation de la CNPTJ ne permet, comme la conférence l’indique elle-même, ni de prendre en compte les stocks de dossiers en souffrance, ni le besoin d’améliorer les délais de traitement. Elle ne prend pas non plus en compte les absences conjoncturelles – qui ne sont pas rares au regard de l’épuisement des magistrats et fonctionnaires.

Surtout, le référentiel de la CNPTJ grave dans le marbre certains de nos renoncements : la motivation de l’ensemble des décisions pénales en juge unique par exemple, qui ne sera pas possible dans le temps imparti (2 jours, incluant le temps d’audience fixé à 6h) – l’exigence de motivation des décisions pénales est pourtant une exigence minimale pour le droit au procès équitable. De même, il ne prend pas en compte certains choix procéduraux qui se font au détriment de la qualité de la justice : en matière civile, le recours accru à la procédure de juge unique au détriment de la collégialité. En matière pénale, la multiplication des procédures simplifiées (CRPC, ordonnances pénales, etc.) au détriment du temps d’audience.

Dans ce contexte, l’établissement d’un référentiel dans le cadre du groupe de travail piloté par la chancellerie est toujours plus que nécessaire. Ce travail nécessite néanmoins d’être fait avec sérieux et en concertation avec les professionnels et leurs représentants. Si l’urgence de l’établissement d’un tel référentiel est mise en avant depuis plusieurs années, notamment par notre syndicat, il ne s’agirait pas non plus aujourd’hui de venir bâcler ce travail, au risque de figer un outil insatisfaisant et sous-estimant les besoins pour les années à venir, au détriment de la qualité de la justice rendue.

 

Nous joignons ci-dessous le communiqué ainsi que pour mémoire notre note sur les moyens de la justice.

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Note moyens de la justice (162.02 KB) Voir la fiche du document