Le Syndicat de la magistrature a été entendu le 29 mai dans le cadre de la mission confiée par la garde des Sceaux à Guy Canivet sur le projet d’expérimenter l’évaluation à 360° des chefs de juridiction, c’est à dire une évaluation qui permet de recueillir anonymement les observations de collaborateurs de la personne évaluée ou d’interlocuteurs extérieurs à l’institution judiciaire.


Les chefs de cour et les magistrats hors hiérarchie de la Cour de cassation ne font actuellement l’objet d’aucune évaluation externe. Cette exception est une incongruité, dans la mesure où ces professionnels font bien partie de l’institution judiciaire dont la qualité doit être contrôlée.


Le Syndicat de la magistrature défend une refonte globale de l’évaluation des magistrats, afin qu’ils soient évalués non pas de manière descendante, par leurs chefs de juridictions, mais par des inspecteurs indépendants directement rattachés à un Conseil supérieur de la magistrature rénové. Un tel système pourrait s’appliquer aussi bien aux chefs de cour et de juridiction qu’aux magistrats « de base », et résoudrait du même coup la difficulté résultant de l’absence d’évaluation des chefs de cour. Il convient donc de rappeler en préalable à la question de l’évaluation à 360° qu’elle ne constitue pas le seul moyen d’aboutir à une évaluation des chefs de cour aujourd’hui inexistante.


Sous ces réserves, le Syndicat de la magistrature estime que l’ouverture de cette réflexion sur l’évaluation à 360° constitue un pas vers une évaluation dans la magistrature qui ne serait plus limitée à celle, en sens unique, des magistrats par leur hiérarchie, réalisée par un seul évaluateur. Il s’agit d’une technique déjà employée, l’expérience acquise dans d’autres corps de l’administration étant utile pour déterminer à quelles conditions elle est acceptable. S’agissant d’un outil par lequel des éléments sont recueillis sans filtre et anonymement, la stricte définition de son champ, de la méthodologie, du processus d’analyse des questionnaires et de retour vers la personne évaluée est en effet cruciale, sans quoi il pourrait s’avérer dangereux. D’autre part la spécificité du statut de la magistrature, notamment au regard du principe d’indépendance, doit naturellement être prise en compte au premier chef.


L’évaluation à 360° constitue une technique de pointe que l’on se propose d’utiliser dans un corps qui peine beaucoup par ailleurs à se doter d’outils performants, que ce soit des outils techniques (informatiques) ou des outils d’aide à la décision (expérimentations assorties d’évaluations dignes de ce nom, outils de pilotage en matière d’évaluation des besoins des juridictions, dont l’indigence a été souligné dans le récent rapport de la Cour des Comptes). Nous avons ainsi posé en condition, outre des principes incontournables, des préalables nécessaires, que nous détaillons dans le document, afin de valider le principe de cette expérimentation. Pour en citer quelques-uns, il convient que le pôle chargé de cette évaluation soit rattaché au CSM, que l’évaluation ne puisse porter sur le fond de l’activité juridictionnelle ou des politiques judiciaires mises en oeuvre, et que les éléments donnés anonymement ne puissent être directement utilisés dans le cadre d’une procédure disciplinaire.


Des apports peuvent être attendus de la mise en place d’une telle expérimentation, en faisant porter l’évaluation sur la capacité du chef de juridiction de faire participer les magistrats à des projets de juridiction, à animer le dialogue social, à prendre en compte les problématiques de souffrance au travail, et à exercer leurs fonctions avec indépendance. Nous avons insisté sur le fait que l’évaluation des magistrats a pour principal objet l’amélioration de la qualité de la justice, et que l’évaluation de l’expérimentation devra permettre d’obtenir des éléments sur la manière dont la gouvernance des juridictions a pu ou non s’améliorer, du point de vue des magistrats notamment. Une simple observation du point de vue des éléments qu’apporte l’évaluation à 360° aux instances de nomination des magistrats pour la gestion des ressources humaines serait nettement insuffisante.
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Evaluation à 360 degrés : nos observations (179.61 KB) Voir la fiche du document