Nos observations présentées au groupe de travail du CSM sur la responsabilité des magistrats

Le garde des Sceaux a évoqué à maintes reprises, lors de notre entretien avec lui en juillet 2020 puis dans ses prises de parole publiques, sa volonté d’ouvrir un chantier concernant le régime de la responsabilité des magistrats, sans qu’aucune précision n’ait jamais été donnée sur les besoins justifiant une telle réforme ni le calendrier et le fond du projet envisagé.

Le Conseil supérieur de la magistrature a, de son côté, souhaité ouvrir une réflexion sur ce sujet dans le cadre d’un groupe de travail interne, prenant acte du fait que cette question anime régulièrement le débat public depuis plusieurs années. Le bureau du Syndicat de la magistrature a été entendu par ce groupe de travail, et a développé les observations que vous trouverez en pièce jointe.

Un principe cardinal : l’exclusion de la recherche d’une responsabilité des magistrats à raison du fond d’une décision
Nous y avons exposé les raisons impérieuses qui s’opposent à toute extension du champ de la responsabilité, c’est-à-dire du périmètre des manquements susceptibles d’être reprochés à un magistrat, notamment à raison du fond des décisions rendues par les magistrats, et indiqué qu’il s’agit là d’un point de vigilance crucial, dans un contexte marqué par des atteintes récentes à la séparation des pouvoirs par le pouvoir exécutif.

Des évolutions nécessaires de la réponse institutionnelle, qui ne sont pas réductibles à la question de la responsabilité des magistrats
Nous avons en revanche esquissé des pistes pour répondre au constat selon lequel la réponse de l’institution par rapport à un certain nombre de comportements, notamment des atteintes à l’indépendance de magistrats ou des faits de harcèlement, pouvait être insuffisante. Il nous apparaît en effet que les magistrats sont finalement les plus démunis lorsqu’ils subissent ou constatent des faits problématiques auxquels leur hiérarchie n’apporte aucune réponse, voire dont leur chef de juridiction ou animateur de service est l'auteur. Ils ne disposent, contrairement aux justiciables, d’aucune voie officielle pour saisir une instance à même d’apporter une réponse à ces faits. Ces pistes de travail proposées (ouverture d’une voie de saisine de la commission d’admission des requêtes (CAR) par les magistrats, référents déontologiques locaux, médiateurs...), doivent être travaillées de manière multilatérale, afin d’aboutir à un système équilibré permettant à la fois d’éviter l’autocensure dans les signalements sans pour autant obérer la confiance qui doit exister au sein du collectif de travail.

Une telle évolution ne pourra cependant à elle-seule répondre aux difficultés constatées en juridiction : elle doit prendre place dans le contexte d’une refonte complète de l’organisation des juridictions, pour insuffler davantage de démocratie interne et de dialogue social, et la mise en place d’une véritable formation, aujourd’hui inexistante, des chefs de juridiction et des magistrats ayant des fonctions d’animation de service. La question de la responsabilité des magistrats ne peut pas non plus être traitée séparément de celle des mécanismes existant dans l’institution propres à répondre aux faits de nature infra-disciplinaires. Certains comportements peuvent abîmer le collectif de travail, ce qui pourra par la suite constituer un terrain propice à des manquements déontologiques, lesquels peuvent être d’une intensité ne relevant pas elle-même du disciplinaire. La question de la formation des animateurs de service et chefs de juridiction sur ces problématiques et celles de harcèlement ou de conflits inter-personnels entre les collègues nous parait ainsi devoir être prise à bras le corps.

La nécessaire réforme de la procédure disciplinaire : mieux garantir l’indépendance de la justice, mieux garantir les droits de citoyens
Enfin, nous avons formulé des propositions sur la procédure applicable en matière disciplinaire : nous avons exposé nos revendications anciennes concernant le déroulement de la procédure devant l’Inspection générale de la Justice (IGJ), que nous souhaitons par ailleurs voir rattachée au CSM, et concernant la procédure disciplinaire elle-même, afin notamment que le CSM soit entièrement compétent pour prononcer les sanctions, y compris pour les magistrats du parquet, et améliorer la procédure devant les CAR. Nous n’avons pas manqué d’illustrer le caractère éminemment nécessaire de ces évolutions en citant l’exemple des dernières procédures baillons intervenues, visant notamment les magistrats engagés dans la lutte contre la corruption et le PNF.

Nous avons par ailleurs appelé de nos voeux un encadrement de la procédure applicable au recueil d’éléments avant ou hors de la saisine de l’IGJ ou du CSM. En effet, nous constatons que les droits des magistrats ne sont absolument pas respectés dans ce cadre, notamment lorsque les chefs de juridiction procèdent, de leur propre initiative dans le cadre de leurs pouvoirs propres ou à la demande de la chancellerie - ce dernier cas de figure n’ayant à notre sens pas lieu d’être - à des auditions de nature pré-disciplinaire.

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