Alors que sont étudiés au Sénat deux projets de réforme de la justice, la presse a dévoilé que le garde des Sceaux a saisi le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) d’une demande d’avis sur la liberté d’expression et le droit de grève des magistrats. L’objectif affiché est de « toujours mieux préserver l’image de la justice aux yeux de nos concitoyens ».

Le garde des Sceaux s’inquiète ainsi des commentaires sur les faits d’actualité judiciaire ou juridique émis sur les réseaux sociaux par les chefs de juridiction et les magistrats. Pourtant n’est-ce pas justement sur ces réseaux que l’institution gagne à faire œuvre de pédagogie pour ouvrir les palais à la société ?

Au delà, il interroge « l’expression publique, individuelle ou collective, de magistrats à l’occasion d’audiences solennelles, ou encore par le biais de l’expression syndicale ». Le ministre serait-il le seul à avoir le droit de communiquer ? Est-ce à dire qu’en France, la censure s’impose à celles et ceux qui osent parler aux justiciables de l’état de la justice ? Nous ne sommes pas là pour défendre aveuglément une institution à bout de souffle, mais pour en dénoncer les travers et porter des propositions pour une justice répondant à l’attente des citoyens.

L’on peine à comprendre cette demande, alors que le recueil des obligations déontologiques des magistrats traite des questions relatives aux technologies de l’information et de la communication, au devoir de réserve et de discrétion et à l’engagement syndical. Le CSM a récemment rappelé que « l’obligation de réserve ne saurait servir à réduire un magistrat au silence ou au conformisme » et que la prise de parole d’un magistrat pouvait revêtir « un intérêt particulier pour le débat public et les citoyens ». Cela manque-t-il de clarté ?

En réalité, cette demande d’avis peine à masquer l’inconfort personnel du ministre, qui ne cache plus son irritation face à la communication de notre organisation syndicale, notamment sur les réseaux sociaux, comme il nous l’a signifié directement ou par la voix de son directeur de cabinet.

Dans le contexte actuel de remise en cause des libertés publiques et notamment de la liberté de manifester, le garde des Sceaux interroge aussi le CSM sur le droit de grève des magistrats. Nous demandons depuis des années que cette question soit tranchée par le Conseil constitutionnel, la limitation du droit de grève par l’article 10 du statut des magistrats étant à notre sens inconstitutionnelle.

La temporalité de cette demande d’avis, alors que le débat parlementaire sur le projet de loi organique modifiant le statut des magistrats est imminent, laisse présager des amendements visant à restreindre la liberté syndicale.

Rappelons le avec force : les organisations syndicales, actrices essentielles de la démocratie sociale, ont la responsabilité d’alimenter le débat démocratique… et ceci n’est pas négociable.

 

Communiqué de presse - Un deux trois le roi du silence est là (87.26 KB) Voir la fiche du document