Madame la Directrice,



Alors que le service public de la justice connaît une crise sans précédent et au moment où tous les professionnels sont mobilisés pour revendiquer un plan d’urgence, vous avez annoncé une revalorisation du régime indemnitaire des magistrats.

Il n’est pas question pour nos organisations de contester le principe général d’une revalorisation des rémunérations de l’ensemble des agents qui travaillent au quotidien et dans des conditions dégradées au service de la société et dans le respect des justiciables.

Pour autant, nous refusons l’idée que la casse du service public qui résulte de la Révision générale des politiques publiques puisse trouver une quelconque justification ou même une forme de « compensation » dans une augmentation des traitements attribués à ses agents.

Par ailleurs, il est inacceptable que seuls les magistrats bénéficient d’une revalorisation indemnitaire alors que les fonctionnaires, dont le pouvoir d’achat ne cesse de baisser, sont exclus de cette mesure.

Ainsi, depuis 2005, seules des augmentations marginales dues essentiellement à des ajustements statutaires et/ou à la revalorisation du point d’indice, ont été opérées au profit des personnels de greffe.

Pire, alors qu’il a fallu attendre le budget 2011 pour une revalorisation de l’indemnité d’astreinte des fonctionnaires - à l’instar de celle qu’ont connue les magistrats - les modifications réglementaires nécessaires à sa mise en œuvre n’ont toujours pas été prises. La Chancellerie a certes prévu de solliciter l’avis obligatoire du Comité technique paritaire ministériel le 3 mai prochain mais nous voulons souligner que rien n’empêche une application rétroactive, comme l’avait prévu le décret n° 2002-1247 du 4 octobre 2002 et l’arrêté ad hoc concernant l’indemnitaire des conducteurs d’automobile, applicable au 1er janvier 2002.

Enfin, nous vous rappelons notre opposition totale au choix fait par le gouvernement de faire exclusivement porter les revalorisations indemnitaires – et notamment celle qui vient d’être décidée pour les magistrats - sur la prime modulable.

En 2009, une enveloppe supplémentaire avait été programmée afin de permettre la mise en place d’une « indemnité modulable au mérite » pour les personnels des greffes malgré l’opposition unanime des organisations syndicales. Or, sur un recours conjoint de la CGT et de l’USAJ/UNSA, le Conseil d’Etat vient d’annuler la circulaire contestée par un arrêt du 23 mars 2011.

Outre que ce mode de rémunération est pénalisant pour les agents du point de vue du calcul des pensions de retraite, le principe même de cette prime est inacceptable. Les critères d’attribution des taux de prime sont flous et ont tendance à encourager la logique productiviste déjà à l’œuvre dans les évaluations individuelles tant des magistrats que des fonctionnaires. Ils laissent de surcroît une large part au pouvoir discrétionnaire des chefs de cours qui déterminent déjà les conditions de travail des magistrats par les décisions d’affectation et l’allocation des moyens du greffe. En ce sens, cette prime s’analyse comme un outil supplémentaire de contrôle des magistrats.

Nos organisations dénoncent ainsi le choix politique du gouvernement qui consiste, par le biais de la prime modulable et de la priorité donnée aux magistrats, à créer des disparités croissantes de rémunération entre les agents du service public en fonction de critères tout à fait contestables.

Elles vous demandent donc avec la plus grande fermeté de remédier au plus tôt à cette injustice en augmentant enfin la rémunération des fonctionnaires et en renonçant à faire porter les revalorisations indemnitaires sur les primes modulables.

Nous vous prions d’agréer, Madame la Directrice, l’expression de notre considération vigilante.