D'après le site d'information Médiapart, le garde des Sceaux, mécontent de l'avis rendu par la formation disciplinaire du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) au sujet de propos tenus courant 2010 par un vice-procureur de Bobigny dans une affaire grave impliquant des policiers, a décidé de convoquer cette formation demain 22 décembre à 15 heures, soit en pleine trêve hivernale, pour qu'elle rende un nouvel avis.

Cette procédure, prévue par l'article 66 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, est obligatoire "lorsque le garde des Sceaux, ministre de la justice, entend prendre une sanction plus grave que celle proposée par la formation compétente du CSM".

L'initiative du garde des Sceaux constitue un précédent scandaleux pour plusieurs raisons.

En premier lieu, c'est, à notre connaissance, la première fois depuis la création du Conseil supérieur de la magistrature qu'un garde des Sceaux s'apprête, en matière disciplinaire, à ne pas suivre un de ses avis : Michel Mercier devra donc assumer d'avoir été celui-là et ce fait d'arme restera, disons-le clairement, peu reluisant.

En second lieu, la mesquinerie du procédé est à son comble si l'on sait que, comme l'indique le site d'information, le magistrat concerné doit prendre sa retraite d'ici quelques semaines et que cette nouvelle convocation, en urgence ou en catimini, du CSM ne s'explique que par la volonté de lui infliger une sanction avant son départ. Qu'un garde des Sceaux en arrive, pour de basses raisons politiciennes, à ce type de calculs en dit long sur la considération qu'il porte aux personnels de son ministère... et au Conseil supérieur de la magistrature.

Cette décision démontre enfin, s'il en était encore besoin, la soumission du ministre de la Justice aux pressions du ministre de l'Intérieur : il est parfaitement évident qu'une initiative aussi stupéfiante n'aurait jamais été prise si les propos incriminés n'avaient pas été tenus envers des policiers.


Le Syndicat de la magistrature est consterné par le cynisme dont le garde des Sceaux fait preuve. Il espère vivement que le Conseil supérieur de la magistrature ne faiblira pas devant les pressions auxquelles il est lui-même soumis. Il constate surtout qu'aujourd'hui, au terme d'une année où le ministre aura tenté "d'apaiser" la magistrature, les masques sont tombés - au champ du déshonneur.