Pour les auditeurs de justice de la promotion 2014 " L'heure n'est plus à l'incompréhension ou au désarroi mais à la colère" ! Après le traumatisme vécu par les promotions d'auditeurs de justice 2012 et 2013 à l'annonce des décisions d'exclusion et de redoublement de certains d'entre eux ;
Après l'adoption à l'unanimité par ces mêmes promotions de motions exprimant leur désarroi et leur incompréhension quant à l'arbitraire de certaines décisions ;
Après la constitution d'un groupe de travail commun aux auditeurs et à la direction de l'Ecole en avril 2015, ayant conduit à l'adoption par le conseil d'administration de la plupart des recommandations ainsi formulées, à l'exception de celle portant sur la souveraineté du jury concernant l'aptitude ;
Alors que ces recommandations ont fait l'objet d'une publicité par l'Ecole auprès de notre promotion;
Le mercredi 16 mars 2016, le jury d'aptitude et de classement a décidé d'exclure cinq auditeurs de justice, de prononcer le redoublement de huit autres ainsi que d'émettre sept réserves fonctionnelles.
Nous soulignons le choc psychologique subi par des redoublants dont ni la scolarité ni le stage n'ont présenté de difficulté. De plus, les auditeurs exclus laissés sans solutions tangibles de reclassement se retrouvent totalement démunis.
Sans remettre en question la possibilité d'avoir recours à de telles décisions, nous contestons la légitimité, pour le jury seul, de prendre des décisions contraires aux avis formulés par l'Ecole et les évaluateurs en juridiction - maîtres de stage, directeurs de centre de stage, coordinateurs régionaux de formation - qui se sont consacrés à la formation des auditeurs pendant plus de deux ans. Or tel a été à nouveau le cas.
Ainsi, si le jury s'est contenté de suivre formellement les recommandations du conseil d'administration de l'Ecole, il n'en a pas respecté l'esprit.
L'heure n'est plus à l'incompréhension ou au désarroi mais à la colère, car la procédure actuelle d'examen et de classement permet au jury de s'affranchir de certaines des obligations déontologiques auxquelles chaque magistrat est pourtant tenu :
Le jury a pris cette année quatre décisions d'exclusions directes, sans possibilité de redoublement, ce qui est inédit. Or, des décisions aussi lourdes de conséquences doivent être limitées à des problèmes qu'un redoublement ne pourrait permettre de dépasser et exigent des critères prédéterminés et objectifs.
Au mépris du principe de légalité, l'absence de motivation écrite des décisions du jury, même souverain, ne permet pas d'apprécier la façon dont celui-ci arrête ses décisions.
Au mépris du principe du contradictoire, il n'a pas été donné aux auditeurs concernés l'opportunité de faire valoir utilement leur point de vue, les entretiens de notification étant intervenus alors que les décisions avaient déjà été prises.
L'absence de recours effectif accordé aux auditeurs ne permet pas de corriger les dérives de cette procédure.
La liberté prise par le jury de décider d'exclusions ou de redoublements en passant outre les avis favorables de leurs collègues formateurs et évaluateurs, qui ont côtoyé et suivi les auditeurs depuis le début de leur scolarité, constitue une attitude contraire aux principes de loyauté et de délicatesse à l'égard de leurs pairs, et de défiance par rapport à leur capacité de jugement.
Si certains sont exclus ou redoublent, tous tremblent, et c'est chacun au sein de la promotion, qui jusqu'à l'ultime moment, est suspendu à la crainte d'une décision défavorable et arbitraire, malgré un bon déroulement de scolarité et de stage.
Au vu de ces multiples manquements, nous interpellons le jury actuel sur la manière dont il a exercé ses fonctions, d'autant plus que certains de ses membres ont fait preuve d'un comportement indélicat à l'encontre d'auditeurs au cours de l'épreuve de conversation avec le jury.
Nous demandons au prochain jury de limiter ses prérogatives au classement des auditeurs, en s'engageant publiquement à ne pas aller à l'encontre des avis concordants et favorables de l'Ecole et des magistrats en juridiction.
Et parce que cet engagement ne saurait suffire, nous sollicitons du Garde des Sceaux d'entreprendre la réforme des textes en vigueur concernant le classement et l'aptitude des auditeurs de justice.
Motion adoptée à la majorité des auditeurs de justice de la promotion 2014 le 22 mars 2016