[Tribune] Vers une nécessaire « révolution judiciaire »

Culture, éducation, justice, information, sciences… Syndeac, le syndicat national des entreprises artistiques et culturelles, organise en 2025 une série de débats pour souligner le rôle et l’importance des services publics dans la société. Une série d’événements dont Libération est partenaire. Précédent débat : «La relation police-justice fragilisée, symbole d’une démocratie en danger ?», le 1er octobre à Saint-Nazaire.

Publié le 2 octobre 2025

Le manque de moyens de la justice ne fait plus de débat. Mais sans changement de politique publique, rien de durable ne pourra être accompli, estime le Syndicat de la magistrature.

De toutes parts, la justice est attaquée. D’un côté, on lui reproche jusqu’au plus haut sommet de l’Etat, d’être laxiste, alors que le nombre de personnes détenues ne cesse d’augmenter (84 177 personnes au 1er août 2025) et que les durées de peine prononcées sont de plus en plus longues.

De l’autre, on critique sa sévérité, surtout dans les procédures politico-financières. On l’accuse alors, à tort, de servir des intérêts qui varient en fonction de la personne condamnée.

La diffusion de ces discours est dangereuse en ce qu’elle installe un climat de défiance à l’égard de la justice, qui ne peut dès lors plus juger sereinement certaines personnalités publiques. L’institution judiciaire se retrouve affaiblie alors même qu’elle joue son rôle, fondamental dans un État de droit : rendre une justice égale pour toutes et tous.

Par-delà ces accusations populistes, le service public de la justice souffre de véritables carences volontairement invisibilisées, qui affaiblissent le sens et la portée des décisions rendues. En effet, dans certains domaines, les délais de traitement des procédures sont devenus inacceptables. Il faudra ainsi des mois, voire des années, à un justiciable pour qu’un.e juge aux affaires familiales prononce son divorce, fixe la résidence habituelle de ses enfants ou le montant de la contribution alimentaire. De même, les mesures de placement ordonnées par le juge des enfants sont parfois mises en œuvre des mois après la décision rendue, voire elles ne sont pas du tout exécutées, faute de places disponibles, laissant ainsi des enfants dans une situation de danger au domicile.

A l’inverse, en comparution immédiate, on juge à toute vitesse des faits de gravité inégale, et majoritairement des personnes sans papiers ou sans domicile fixe ayant commis des atteintes aux biens ou des infractions liées au trafic de stupéfiant.

Le constat du manque de moyens de notre institution ne fait désormais plus de débat. Le nombre de juges ainsi que le budget alloué à la justice étant nettement inférieurs à la moyenne européenne.

Toutefois, la seule augmentation des moyens ne parviendra pas à restaurer notre service public. La justice ne peut agir seule. La question de la résolution des litiges, de la réinsertion, de la protection des personnes vulnérables impliquent le réinvestissement massif dans les politiques publiques, tout aussi délaissées que sont la santé, l’éducation, le logement, l’insertion professionnelle, la protection de l’enfance…

La justice ne peut davantage se rendre sous la contrainte de méthodes managériales poussant les magistrat.e.s à toujours plus de productivité au détriment de la qualité. Nous refusons que les capacités d’un.e magistrat.e à «gérer des flux et des stocks», à rendre des décisions dégradées dans l’urgence soient toujours priorisées, là où les justiciables réclament, au contraire, une justice plus humaine qui prenne le temps nécessaire à la compréhension et à la motivation de ses décisions.

Nous nous insurgeons également contre les récents projets de réformes qui s’inscrivent tout autant dans cette logique productiviste. Tel serait le cas d’un plaider-coupable criminel où certains faits – et surtout les faits de viols – seraient traités comme des sous-crimes et jugés sans procès, par le biais d’une transaction entre le procureur et l’accusé, dans l’unique but de gagner du temps.

Nous exigeons une véritable révolution judiciaire permettant de restaurer la confiance entre les citoyen.e.s et leur justice.

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