La présente proposition de loi a connu de nombreuses modifications depuis sa présentation en première lecture au Sénat, sans toutefois que l’esprit qui l’anime ait totalement disparu. Loin de se limiter à de simples aménagements du régime de la protection de l’enfance issu de la loi du 5 mars 2007, bienvenus pour certains, la proposition de loi vise notamment à accélérer la rupture des liens de filiation entre l’enfant placé et ses parents lorsqu’ils manquent à leur mission d’éducation et de protection. Il s'agirait donc de substituer la rupture à l’accompagnement.
Cet axe du projet, quoi que partiellement entamé par les débats à l’Assemblée, n’en demeure pas moins préoccupant : il est fondé sur une approche erronée de la philosophie de la protection de l’enfance et sur une fausse opposition entre l’intérêt de l’enfant et le respect du rôle des parents. L’exposé des motifs affirme ainsi que « le système français reste profondément marqué par une idéologie familialiste, qui donne le primat au maintien du lien avec les parents biologiques », lequel prévaudrait « à tout prix dans les pratiques professionnelles ».
Prenant l’exact contrepied, il prétend trouver une voie de sortie dans l’accélération de la rupture des liens de filiation entre l’enfant placé et ses parents jugés défaillants. Sans interroger plus avant les méthodes propres à identifier les rares situations dans lesquelles l’abandon est définitif et irrémédiable, il élabore une conception de l’intérêt de l’enfant placé qui implique la négation des droits des parents.
Il ne s’agit pas là de privilégier les droits de la famille sur les droits de l’enfant, mais bien de respecter les uns et les autres, conformément aux textes internationaux qui reconnaissent à l’enfant tout à la fois le droit de vivre avec ses parents et celui d’être protégé, y compris au sein de la sphère familiale.
Cette problématique est omniprésente en protection de l’enfance, et il revient le plus souvent à la justice des mineurs de trouver le juste équilibre, fréquemment lorsqu’est envisagé le placement de l’enfant, plus rarement lorsqu’il est question de rompre le lien de filiation avec les parents à raison de leur défaillance grave....